Une reculée est une vallée profonde et étroite, incision spectaculaire de plusieurs centaines de mètres d’un plateau calcaire, bordée de falaises, qui se termine en cul de sac.
A la base de ce bout-du-monde (souvent occupé depuis toujours par des monastères), une grotte d’où sourd une résurgence, exutoire d’un vaste réseau souterrain. Ainsi se trouve restituée de manière toujours spectaculaire l’eau ayant infiltré le plateau supérieur, donnant naissance à un cours d’eau.
La reculée du Lison dans le département du Doubs, une des plus spectaculaires du massif du Jura, a jadis bien failli être défigurée.
En effet à la fin du XIXème siècle, en 1899, un industriel entend capter la résurgence formant cascade pour entrainer une turbine hydroélectrique.
Les habitants de la commune sur laquelle se situe la résurgence, Nans-sous-Sainte-Anne, ne souhaitant pas voir disparaitre leur « monument naturel », se révoltent et portent l’affaire devant les tribunaux, comptant à leur côté leur député Charles Beauquier 1833 – 1916.
Après deux procès l’industriel est débouté en 1902 : la source du Lison est préservée ; elle sera officiellement classée 10 ans après.
Car ce qu’ignorent souvent les centaines de personnes qui quotidiennement fréquentent ce lieu, c’est que suite à cette action civile, le fameux député a fait passer la première loi française en matière de protection de l’environnement, naturellement appelée Loi Beauquier.
Cette loi datée du 21 avril 1906 (cf. facsimilé ci-dessous) organisait pour la toute première fois « la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique », sous l’égide du ministère… « des beaux-arts » !
Pionnière, elle sera la prémisse de la future loi de 1930 (dont l’objectif était de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, et qui a créé les sites naturels classés ou inscrits).
De son côté, Charles Beauquier fondera avec d’autres dès 1901 la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, et sera membre de la Ligue pour la protection des oiseaux créée en 1912.
Michel Goudard