Loup, qui es-tu vraiment ?

Bonjour ! Vous, je vous connais, vous êtes le loup, celui du « Petit Chaperon rouge », les vêtements en moins…

Aaaah… votre « Grand méchant loup » imaginaire ! Il n’a pas grand-chose à voir avec nous mais cause à mon espèce, aujourd’hui encore, bien du tort. Les scientifiques qui nous étudient sérieusement n’ont que peu de poids face à ces contes populaires qui ont bercé votre enfance…

Nous vous donnons ici une occasion de rétablir quelques vérités. Alors pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?

Mon pelage est beige-gris avec une ligne noire très élégante, sur les pattes avant. Considérez que je ressemble à un berger allemand (et ce n’est pas pour rien… voir ci-dessous) avec une taille au garrot de 60-90 cm et un poids de maximum 30 kg pour les femelles et 40 kg pour les mâles. Bien loin des monstres de 80 kg que certain.es d’entre vous certifient avoir croisés…

C’est le grand Linné, en 1758, qui nous a donné le nom scientifique de Canis lupus. Parmi les Mammifères, vous nous avez classés dans l’ordre des Carnivores, famille des Canidés.

Nous sommes plusieurs sous-espèces de « loup » à travers la planète. Pour ma part, je suis membre de Canis lupus lupus. En français, vous nous avez nommés « Loup gris ». Parmi mes cousins proches, il y a le loup arctique (Canis lupus arctos) ou le loup des Indes (Canis lupus pallipes) mais aussi un que vous connaissez très bien : Canis lupus familiaris, j’ai nommé… le chien !

Vous n’êtes donc qu’une seule et même espèce avec notre chien domestique ?

Le chien ami de l’homme © Bridgeman Images

Et oui, le chien n’est rien d’autre qu’un loup que vous avez domestiqué pour vous rendre (de nombreux) services, il y a plus de 30 000 ans.

Revenons à vous : vous faites énormément parler de vous depuis quelques temps car vous êtes de retour en France. Est-ce vraiment un retour ?

Bien sûr ! Jusqu’à il y a environ un siècle, nous occupions tout le territoire français. Malgré les services que notre cousin chien vous rendait (ou peut-être justement parce que vous aviez ce que vous vouliez de nous…), vous avez développé une haine contre nous, nous transformant en coupable facile, allant jusqu’à nous accuser d’enlever vos enfants pour les dévorer alors que vous n’êtes pas du tout à notre goût…

A cause de toutes ces rumeurs contre nous et d’attaques, réelles, sur vos troupeaux, vous avez exterminé jusqu’au dernier loup de France. Heureusement, d’autres contrées ont été plus accueillantes et nous ont permis de nous maintenir en attendant des jours meilleurs.

Je précise que, contrairement à une rumeur persistante, nous n’avons pas été lâchés par des « écolos ». C’est bien par nos propres moyens que nous sommes revenus en France, depuis l’Italie, à la faveur de notre statut d’espèce protégée et grâce au développement des surfaces forestières.

La forêt est donc votre habitat ?

Oui, mais nous ne nous limitons pas aux espaces boisés. Nous sommes plutôt adaptables à ce niveau ; les scientifiques nous nomment « espèce euryèce ». En particulier, dans nos déplacements et notre recherche de nourriture, nous pouvons parcourir de grandes distances et les milieux ouverts ne nous font pas peur. Vous n’avez qu’à lire les livres et/ou visionner les films de Jean-Michel Bertrand pour vous en convaincre (La vallée des loups ; Marche avec les loups et en ce moment : Vivre avec les loups).

Pourquoi parcourez-vous de si grandes distances si vous avez de quoi vous nourrir à un endroit donné ?

Notre vie sociale est très complexe. Quand vous nous laissez un peu de répit, nous nous organisons en meute autour d’un couple dominant (les fameux mâle et femelle alpha) qui se reproduit, avec les jeunes de l’année et des années précédentes. Nos relations sociales sont régies par une hiérarchie stricte. Durant notre adolescence, nous prenons soin de nos jeunes frères et sœurs mais le moment venu, il nous faut quitter notre meute d’origine. Au cours de cette dispersion (qui assure un brassage génétique entre meutes), nous vivons une vie solitaire ou à quelques jeunes, le temps de trouver un nouveau territoire pour fonder notre propre meute ou en rejoignant une meute déjà formée, selon les situations.

Pendant longtemps, l’Ain a été un front de colonisation à partir des Alpes et du Jura, où nous sommes présent.es depuis 30 ans. Seul.es quelques-un.es d’entre nous étaient photographié.es par des pièges-photo (voire vus) chaque année. 2023 représente un tournant pour notre espèce, dans l’Ain. Nous avons été plusieurs à nous déplacer voire à nous installer dans votre département. En particulier, comme vous avez eu la bonne idée de mettre en Réserve les hauteurs de la Haute-Chaine du Jura, les protégeant ainsi de l’urbanisation et autres aménagements, nous y avons trouvé les conditions idéales pour l’installation d’une meute qui a donné naissance à deux louveteaux. Un événement qui ne peut que nous réjouir !

Cela ne s’est pas fait sans tension, notamment avec les attaques d’un troupeau à deux pas de la Réserve. Pourquoi vous attaquez-vous aux animaux domestiques ?

Pour nous nourrir ! En particulier lorsque nous sommes seul.es lors de notre dispersion car il est plus facile pour un loup seul de croquer un animal domestique que de courir après un chevreuil ou un chamois. Quant aux cerfs, notre proie de prédilection, ils ne nous sont accessibles que lorsque nous vivons en meute bien établie car nous pouvons alors réaliser des chasses collectives (une merveille de coopération et d’intelligence, cela dit en passant !). Bien sûr, nous sommes opportunistes donc nous nous adaptons à ce que nous trouvons, quitte à nous rabattre sur de plus petites proies.

Comment justifiez-vous les attaques de plusieurs animaux domestiques qui ne sont même pas consommés ?

Les scientifiques, qui nous ont bien observé.es, ont compris pourquoi nous perdons parfois toute raison écologique. En milieu naturel, quand nous attaquons un groupe d’herbivores, c’est la panique jusqu’à ce que notre proie soit capturée. Dommage pour elle mais pour les autres, l’alerte est finie et ils peuvent retrouver leur calme un peu plus loin. Les animaux domestiques qui sont clôturés continuent à s’agiter en tous sens et stimulent notre instinct stimulé par les proies en mouvement. Il y a alors ce que vous appelez un « surplus killing », comme pour le renard dans un poulailler…

Il arrive également que certain.es d’entre nous, dans leur apprentissage, s’entrainent à tuer alors qu’ils ont déjà été nourris grâce aux chasses collectives.

Enfin, il n’est pas exclu que certain.es d’entre nous se spécialisent dans l’attaque de troupeaux domestiques, par exemple un individu âgé et isolé.

Vous comprenez alors que les éleveurs et éleveuses demandent alors à tuer les loups qui attaquent.

De mon point de vue, vous comprendrez bien que ce n’est pas acceptable ! Mais même en me mettant à votre place, à moins d’avoir affaire à un loup spécialisé dans les animaux domestiques qui commet de multiples attaques, l’autorisation de tir est une fausse bonne idée. En particulier, vos scientifiques savent parfaitement que lorsque les services de l’État décident que nous pouvons être tué.es suite à une attaque (alors que nous sommes une espèce protégée !), le risque est surtout qu’une meute installée soit déstabilisée et que les individus se dispersent. Ce sont alors plusieurs individus qui bénéficiaient de la vie en groupe et qui se retrouvent à devoir se nourrir seul.es… avec donc plus de risques de se tourner vers les animaux domestiques.

Il est préférable de mettre en place des moyens de protection, comme le font déjà de nombreux éleveurs et éleveuses, pour nous dissuader en rendant les attaques sur troupeaux plus difficiles.

Quels sont ces moyens de protection ?

Il en existe plusieurs et ils sont indispensables pour obtenir une indemnisation en cas d’attaque. Pour se protéger, les éleveurs et éleveuses peuvent être aidé.es par les services de l’État ou des associations, comme l’APACEFS (Association des Protections Alternatives pour la Cohabitation de l’Elevage et de la Faune Sauvage), qui pose par exemple des pièges-photo afin de mieux comprendre le comportement du loup (ou du lynx) présent autour d’un élevage et ainsi proposer les moyens de protection les plus adaptés.

Un patou gardant le troupeau ©Emma.Martinet

Les troupeaux peuvent être protégés par des clôtures mais aussi par la présence d’un.e berger ou bergère. Les chiens de protection (« patous » et autres races), à ne pas confondre avec les chiens qui aident le berger ou la bergère à conduire le troupeau (ex. border-collie), savent se montrer dissuasifs si nous tentons d’attaquer un troupeau.

Ils sont tellement dissuasifs qu’il y a régulièrement des problèmes avec des randonneurs ou randonneuses et VTTistes.

Là encore, c’est surtout le manque d’informations qui pousse les humains à envoyer de mauvais signaux aux chiens de protection. Ils sont impressionnants car ils ont été sélectionnés (par vous !) pour cela mais ce ne sont pas des chiens d’attaque. Ils font leur travail (difficile car ils doivent prendre des décisions pour protéger leur troupeau seul, en l’absence d’humain) et cherchent juste à évaluer le danger, quand ils vous voient approcher. Quelques gestes simples suffisent à éviter les problèmes : voir l’article sur la formation proposée par FNE sur les chiens de protection.

Malgré les moyens de protection, il vous arrive tout de même d’attaquer des troupeaux, en particulier cette année.

Certes, les attaques ont été plus nombreuses cette année (18) et ont fait 43 victimes. Toutefois, rappelons que la déprédation par notre espèce ou par le lynx, autre grand prédateur, représente moins de 1 % de la mortalité des ovins et des caprins de l’Ain, contre 5 % à 12 % en raison de maladies ou d’accidents. Cela n’enlève rien au stress subi par les éleveurs et éleveuses dans ces situations mais vous n’êtes qu’une espèce parmi des millions, sur Terre, et il y a peut-être à tenter d’accepter ces attaques (sauf cas exceptionnel comme un.e des nôtres qui n’attaquerait que les troupeaux, peut-être…) comme vous acceptez les maladies et les accidents… ainsi que les conditions économiques qui rendent la vie très difficile aux éleveurs et éleveuses.

Y a-t-il d’autres raisons pour lesquelles nous devrions accepter votre retour ?

Les grands prédateurs que nous sommes sont un maillon indispensable dans un écosystème équilibré. Demandez aux forestiers et forestières : si les grands herbivores causent parfois des dégâts importants sur la végétation, c’est parce qu’ils ont tout loisir de se regrouper dans certaines zones car nous ne sommes pas là ! Quand le lynx ou le loup est présent, nous exerçons une pression de prédation qui pousse ces herbivores à se disperser.

Et je ne parle pas de notre rôle dans l’élimination des proies les plus faibles, la limitation de la propagation des maladies, etc.

Alors, vous pensez que nous pouvons cohabiter pacifiquement ?

Oui, j’y crois ! Et je ne suis pas le seul : nombre d’entre vous sont du même avis et œuvrent chaque jour en ce sens, notamment parmi les Ami.es de la Réserve et d’autres associations de protection de la Nature. La route est encore longue mais nous réussirons bien, un jour, à vivre ensemble. Vous êtes tou.tes concerné.es, directement ou indirectement, par vos choix de consommation pour soutenir les éleveurs et éleveuses ou encore par votre comportement lorsque vous rencontrez un troupeau protégé par des « patous »… Nous comptons sur vous !

Marjorie Lathuillière

PS: Et qu’en est-il chez nos voisins suisses? Cf la lettre ouverte rédigée par de nombreuses associations sur la décision de la Suisse de tuer 70% de sa population de loups.

Sortie géologie au col de la Faucille

Par Riwal Leeman, étudiant en géologie.

Le calcaire du Jura est sédimentaire
Tout d’abord, nous avons commencé par une introduction sur ce qu’est la géologie et ce que cette science étudie, et par une explication sur les différences entre les 3 grands types de roches: magmatiques, métamorphiques, et sédimentaires. Les roches de la Haute Chaîne, le chainon le plus oriental et le plus élevé du Jura, appartiennent à cette dernière catégorie. Le fameux calcaire que l’on trouve chez nous est une roche sédimentaire. Il s’est formé au Mésozoïque, et plus précisément au Kimméridgien pour les roches observées au col de la Faucille : elles ont donc plus de 150 millions d’années ! À titre comparatif, la chaîne du Jura n’a commencé à s’élever il y a seulement 11 millions d’années.

Un petit air de Caraïbes
Il existe donc différents types de calcaires, pouvant contenir des fragments de fossiles, ou encore des grains de silice. Ici le calcaire est récifal, il s’est formé à partir de récifs (comme la grande barrière de corail aujourd’hui) dans un climat chaud, dans des eaux oxygénées, agitées et peu profondes. L’endroit, très différent d’aujourd’hui, devait alors ressembler aux Caraïbes.  

Chronologie des Monts Jura
-Jurassique supérieur (155 Ma) : formation des calcaires composant les roches présentes à la Faucille
-Éocène (environ 40 Ma) : les Alpes ont déjà commencé à se former, et le Jura subit une première érosion karstique
-Serravalien (11 Ma-aujourd’hui) : plissement du Jura en avant des Alpes comme conséquence de celles-ci, et 2ème érosion karstique, encore à l’oeuvre aujourd’hui
-20 000 ans : fin de la dernière glaciation, qui marque fortement nos paysages (vallées en U, moraines, blocs erratiques, stries glaciaires sur les roches moutonnées…)

Les marques de l’eau sur le paysage
Le paysage, on le voit, est fortement marqué par le passage ancien des glaciers – qui n’est pas si ancien à l’échelle géologique puisque des humains étaient déjà présents en Europe depuis longtemps à ce moment-là. 

On observe également d’autres formes sur les Monts Jura, qui ne sont pas associées au passage des glaciers, mais plutôt à la lente (quelques mm par an) dissolution des calcaires du massif. Cela forme des gouffres, des dolines (dépressions arrondies), des lapiaz, des pertes (comme sur la Valserine), des fissures… L’eau est un facteur majeur d’évolution du relief des montagnes du Jura.

Observation sur le terrain
On a ensuite regardé des roches à l’oeil nu. 

On constate qu’elles sont plissées, ce qui témoigne de la formation du Jura, car en effet, à l’origine, lorsque le calcaire se forme en mer peu profonde, le fond de la mer est (en moyenne assez) plat ! On voit également des fragments de coquilles dans la roche, témoins d’organismes marins et donc d’un environnement de dépôt très différent. J’ai montré ensuite 3 fossiles trouvés dans le Jura, comme exemple des êtres vivants qui étaient présents sur ce lieu il y a des millions et des millions d’années. 

2 beaux cristaux de calcite sont également présents sur le site, en inclusion dans la roche.

Des patous et des promeneurs

Un chien de berger pas comme les autres

Attention patou”… ! Alors, on fait quoi ? Ben, on prend ses jambes à son cou, on n’a pas le choix!
Erreur, mon cher Watson !

Nous sommes le 23 juin à Bourg-en-Bresse. En tant que membre des ARN, je participe à une formation ALPATOUS (Alpes à tous, Alpes patous…) mise en place par les associations France Nature Environnement PACA et 01.
Le but recherché ? Comprendre et faciliter les relations en montagne entre les éleveurs, randonneurs et vététistes, avec les chiens de protection (les patous). Soutenue par l’Office Français de la Biodiversité, c’est l’Association des Protections Alternatives pour la Cohabitation de l’Elevage et de la Faune Sauvage (APACEFS) représentée par Taïeb et Maelle qui vont me former.

Qu’en est-il du loup ?

Depuis le retour du loup dans les Alpes françaises, ce grand prédateur fait parler de lui. Nous avons tous lu et entendu les histoires à faire peur des « Trois petits cochons » ou du « Petit Chaperon rouge »… Et aujourd’hui encore, le loup effraie ! Ce dernier du reste, « prélève » quelquefois son casse-croûte parmi le cheptel domestique…

Néanmoins, les grands prédateurs que sont le lynx et le loup jouent un rôle majeur:

  • Ils capturent en priorité les animaux les plus faibles
  • Ils limitent la propagation de maladies chez leurs proies
  • Ils permettent aux spécimens les plus forts de se reproduire
  • Sous leurs menaces les cerfs, chevreuils…vont se disperser et éviter la concentration sur certains secteurs permettant ainsi à la végétation de se régénérer et de devenir plus diversifiée.

Mais ce n’est pas simple car les conflits subsistent ! Du reste, pour les éleveurs, c’est vraiment stressant.

Le patou, un chien méchant ?

Alors nous randonneurs, on fait quoi s’il y a des patous ? …on reste chez soi pour garder nos mollets ?  Non, on s’informe. Les éleveurs font leur travail et l’APACEFS intervient, aide et informe les professionnels et les usagers. Sauf à rencontrer un chien mal éduqué, si on adopte les bons gestes vis-à-vis des patous, aucune raison que cela se passe mal.

Pour cela, il faut connaître un peu l’animal. Taïeb et Maelle nous livrent quelques infos. Le chien de protection vit avec le troupeau, qui est sa vraie famille. Il surveille, protège, son attachement est très fort. Pour cela, la dissuasion est son atout ; il n’est pas éduqué pour l’attaque.

Un patou gardant le troupeau ©Emma.Martinet

Le dressage d’un chien demande du temps et de l’investissement. Un chien travaille 6 à 7 ans et son éducation nécessite de 24 à 36 mois. C’est une des missions de l’Institut de l’Élevage (IDELE).

Quel comportement adopter ?

Maintenant les choses sérieuses commencent pour nous : les GESTES à adopter à pied ou en vélo.

A pied

En VTT

  • Éviter de traverser le troupeau, le contourner le plus possible.
  • Avertir les chiens de notre présence sans les surprendre: Si les chiens viennent vers vous, c’est pour vous identifier, s’arrêter. Ne pas marcher en direction des patous ni chercher à les caresser.
  • Ne pas paniquer ni crier, parler calmement. Bien sûr, pas de gestes brusques, ne pas brandir des bâtons, jeter des pierres ou parler de façon agressive.
  • Si possible, mettre un sac entre soi et le chien.
  • Descendre du vélo
  • Rassurer votre enfant en le gardant derrière vous
  • Bien sûr pas de jets de pierre, de paroles agressives
  • Ne pas regarder le chien dans les yeux (pas de « T’as d’beaux yeux, tu sais »…). Lorsqu’il détourne le regard, c’est qu’il est rassuré. Il va s’éloigner mais restez vigilant.
  • Remonter plus loin sur son vélo
  • Si vous avez un chien, le tenir en laisse, ne jamais le prendre dans ses bras, si problème, lâcher le chien et les laisser se débrouiller entre eux. Le mieux est d’éviter de prendre votre chien dans les pâturages fréquentés par des chiens de protection.
  • Et pour aller encore plus loin, il y a cette rencontre avec une bergère :

Visite chez un éleveur

Le lendemain, à la ferme « Les chèvres de M. Seguin », sur le plateau d’Hauteville, nous sommes accueillis par Amandine et Lucky, le border-collie .Cette ferme abrite 20 brebis, 70 chèvres, 5 vaches, 3 génisses et quelques cochons (un peu façon « Sylvain, Sylvette »… Vous êtes trop jeune pour avoir la référence ?! Voir https://www.youtube.com/watch?v=iVB2pGagu-E).

Les patous d’Amandine s’appellent Lasco, 8 ans, et Pepsy, le petit. Outre son activité avec 100 heures de travail par semaine, Amandine nous raconte qu’elle doit gérer, avec son compagnon, les plaintes de randonneurs non informés qui se plaignent des chiens de protection.

Maintenant, vous en savez un peu plus, et j’espère que votre regard sur les patous sera différent !

Michel Savoyat

Pour plus d’information sur le patou et la Haute Chaîne du Jura

La méthanisation

Dans un article précédent, je vous expliquai qu’il existe une voie naturelle de dégradation de la matière organique en absence d’air, dite anaérobique. D’où l’idée de mettre en œuvre industriellement la méthanisation pour valoriser et éliminer les déchets biologiques.

Car force est de constater que malgré tous nos efforts de réduction ou de recyclage des déchets, une fraction significative demeure, qu’il s’agit donc de valoriser et d’éliminer.
Les analyses démontrent qu’environ 1/3 de ce « gisement » correspond aux biodéchets et déchets verts, c’est-à-dire à des déchets d’origine végétale, animale ou microbienne ; résidus des cuisines des ménages, lavures de restaurants, invendus de magasins…
Ce qui représente une quantité considérable !

En considérant l’absurdité de brûler des déchets essentiellement humides, la filière Méthanisation trouve toute sa légitimité en complément du compostage qui vise les déchets plus secs. En effet :
• Elle réduit les volumes de déchets,
• Elle contribue à leur minéralisation, dans une perspective de retour à la terre (amendement),
• Elle génère du biogaz énergétiquement très intéressant.

De plus la méthanisation se prête bien aux synergies avec les filières de valorisation et d’élimination des déchets de l’agriculture et des industries agro-alimentaires.

Techniquement, elle va intégrer (voir l’illustration ci-dessous) :
• Un grand volume fermé étanche à l’air – un digesteur,
• Une filière de valorisation du « digestat » – ce qui reste après méthanisation, en fertilisant solide et liquide,
• Une valorisation du biogaz généré, sous forme de biométhane (substitut du gaz naturel), d’électricité ou de chaleur).

Source: chambres d’agriculture

Pour être vertueuse, et parfois elle ne l’est pas (!), elle impose drastiquement le meilleur état de pureté possible des déchets, se caractérisant notamment par l’absence absolue de métaux lourds et de micropolluants : la mise en œuvre passe impérativement par un tri à la source à l’exclusion de tout système visant à séparer en usine des fractions mélangées lors de la collecte !

Sinon ces polluants se retrouvent épandus sur les champs.

De plus la production induite de digestat doit être adaptée à l’environnement du site de l’unité ; car si la méthanisation minéralise, stabilise, en supprimant notamment les odeurs, elle génère quantité de fertilisant dont la valorisation responsable nécessite des surfaces et des techniques d’épandage raisonnées.

A ces conditions, la méthanisation en générant une énergie décarbonée contribue à la fois à la gestion des déchets et à la lutte contre l’émission des gaz à effet de serre.

Michel Goudard

La Réserve naturelle a 30 ans 

Il y a 30 ans, en décembre 1992, l’année se termine et … toujours pas de réserve naturelle à l’horizon !

Les responsables des ARN sont amers. Voilà 13 ans que l’association s’est créée, un soir d’octobre 1979, dans l’école de Collonges sous le patronage de son directeur, Pierre Roncin, qui en assurera le secrétariat avant de passer la main à Alice Thorndhal. Tous deux, comme la plupart des fondateurs, viennent d’AGENA, l’Association Gessienne de Défense de la Nature qui milite depuis les années 1970’ à la préservation de la Haute Chaîne du Jura, prenant la suite des «pionniers érudits », grands naturalistes, tels Robert Hainard, Robert Moreau, l’abbé Richard, Claude Béguin ou le Dr Jean Corcelle … Ce dernier, président de la « Flore du Jura » (association pour la connaissance de la flore du Jura), est d’ailleurs lui aussi membre du Conseil d’administration des ARN. En cette période de balbutiement réglementaire (la Loi pour la Protection de la Nature a été promulguée le 10 juillet 1976 !), différents classements ont été suggérés : parc national, zone à caractère pittoresque, réserve naturelle …

L’épisode du PNR du Jura gessien
Afin de ne pas perdre le contrôle de la situation, les élus gessiens, encouragés par les pouvoirs publics, décident de lancer en 1980 une réflexion pour la création d’un parc naturel régional. Un PNR c’est, malgré son intitulé, avant tout un outil de développement économique, mais dans le respect du milieu, naturel et humain. Face aux parcs nationaux, imposés par l’Etat sur des territoires exceptionnels mais vides d’habitants, les PNR, aux mains des élus locaux, « inventent » et mettent en œuvre ce que l’on appellera plus tard le « développement durable ». Pendant des mois, une formidable concertation mobilise toutes les forces vives de l’arrondissement de Gex. Les associations, comme les ARN, y participent pour défendre la création d’une vaste réserve naturelle au sein du PNR : un pari risqué mais que les plus enthousiastes pensent « gagnant-gagnant ». Las, au bout de quatre ans, les élus, entrainés par le président du Conseil Général, véritable « patron » du Pays de Gex, Roland Ruet, prennent peur de créer une machine infernale menaçant leur pouvoir … et rejettent la charte du PNR du Jura gessien.

L’initiative des ARN
Amère désillusion pour les ARN qui décident, alors, sous l’impulsion de leur président, Louis Burnod, de déposer en 1985 un dossier de projet pour la seule réserve naturelle, comme la loi leur en donne, désormais, la possibilité, afin de faire face à l’urbanisation du Pays de Gex et aux projets touristiques tentaculaires sur les crêtes. C’est un véritable coup de tonnerre dans le Landerneau gessien, qui prend de court les élus réfractaires !

En juillet 1987 une délégation de scientifiques du CNPN (Conseil National de Protection de la Nature) et d’experts du Ministère de l’environnement (Jean-Pierre Raffin, Antoine Reille, Chantal Bonnin-Luquot) découvre la Haute-Chaine du Jura sous la conduite de Christian Grospiron, maire de Lélex, et de Jacques Bordon pour les ARN. Ils repartent enthousiasmés et valident l’intérêt du projet, la machinerie administrative est lancée …

Course de lenteur
Elle va durer des années !
Au grand dam de Louis Burnod qui, en 1988, exaspéré par les lenteurs, alors que les projets de remontées mécaniques avancent à grands pas et menacent l’intégrité de la Haute Chaîne, démissionne spectaculairement.


Les « grands élus » (Roland Ruet, Charles Million, député de la circonscription, Pascal Meylan, maire de Ferney-Voltaire), interpellés, décident de relancer le processus.
Le débat reprend, à Paris, dans le Pays de Gex et, surtout, au sein des associations de défense de la nature, entre les partisans d’une réserve naturelle « pure et dure », aux restrictions fortes, réduite à l’essentiel, les hauts-lieux emblématiques du Crêt de la neige et du Reculet, et les partisans d’une vaste réserve, préservant les usages traditionnels, donc de réglementation bien moins contraignante, capable de diluer la fréquentation touristique en hausse rapide sans en faire un « Jura park d’aventures ». C’est cette option qui l’emporte rapidement.

L’enquête publique … un franc succès
Les services de l’Etat font, dès lors, largement appel aux ARN pour élaborer, en appui de la DDE (Direction Départementale de l’Equipement) et de la DRAE (Délégation Régionale à l’Architecture et à l’Environnement – ancêtre de la DIREN puis de la DREAL) le dossier d’enquête publique. Un travail colossal de recherche et de rédaction : plus de 1 500 parcelles cadastrales, présentation de l’objet, des motifs et de l’étendue de l’opération, inventaires naturalistes, bibliographie, projet de réglementation, … La préfecture demande aux ARN de réaliser un dépliant (co-signé avec les chasseurs, les élus et la sous-préfecture) et un « document d’accompagnement », très largement illustré, auxquels s’attellent Alexandre Malgourné, Alison Linnecar et Pierre-Maurice Laurent, pour rendre « lisible » le projet de décret.

Dépliant

Pendant plus d’un an, celui-ci a été âprement discuté et négocié, notamment avec les chasseurs ; l’autorisation des seuls chiens de chasseurs dans la réserve naturelle est un objet de polémique sans fin … Mais aussi les limites, rabotées par les communes : de 14 000 hectares, on passe à 10 800 hectares, avec la perte de plusieurs milieux naturels majeurs, comme les Brillonnes ou la tourbière de Lélex …

Ouverte en mars 1990 l’enquête publique est un franc succès : plus de 3 000 observations, moins d’une centaine d’oppositions ; 97 % d’avis favorables ; 16 communes favorables sur 18 … Résultat : un avis « très favorable » de la commission d’enquête qui reprend même à son compte plusieurs propositions des ARN, notamment sur les zones sensibles non comprises dans le projet de décret…

Immense satisfaction pour les ARN !

Pourtant la Haute Chaine du Jura ne sera pas la 100ème réserve naturelle, comme on l’avait espéré.
Trop de retard, trop de délais. Le président des ARN se rend, sans rancune, à Méribel-les-Allues, le 5 juin 1990, pour inaugurer, en présence de l’influent Directeur de la Protection de la Nature (DPN), François Lerat, la belle réserve naturelle de Plan de Tueda…
L’année précédente, en septembre 1989, plusieurs membres s’étaient déjà rendus, pas trop loin non plus, à Sixt-Fer à Cheval, à l’Assemblé générale de la CPRN (Conférence permanente des réserves naturelles de France, ancêtre de Réserves Naturelles de France, RNF), animée par son dynamique directeur Alain Chiffaut, pour « représenter » et « incarner » une réserve qui n’existait pas encore … (!) mais qui était, d’ores et déjà, soutenue par la communauté des réserves naturelles. Un appui décisif dans cette saga !

Mais, 3 ans plus tard, en décembre 1992, toujours rien !
La lourdeur bureaucratique joue à fond. Les ARN s’impatientent mais doivent, en même temps, expliquer à tous ceux qui ont manifesté leur soutien au projet que la procédure est lourde et complexe. En mars 1991 Roger Anselme, représentant les Elus gessiens, le sous-préfet de Gex, M Guillaume, et Jacques Bordon en tant qu’expert scientifique, vont plaider, avec brio, la cause devant les scientifiques du CNPN, étape redoutable sur ce parcours du combattant, 5 ans après la venue de son représentant JP Raffin. Le nouveau représentant du CNPN, Gilles Benest, se rendra, lui, plusieurs fois dans le Pays de Gex les mois suivants pour multiplier les contacts.
Surtout, le Conseil d’Etat, doit valider la conformité administrative du dossier, éplucher les documents cadastraux et les limites, examiner avec soin les dépositions « négatives », surtout celles des propriétaires, pour éviter d’éventuels vices de formes avant de donner son aval … ce qui n’est jamais acquis et cache derrière l’aspect technique une dimension « politique » réelle !
En réalité, le Conseil d’Etat rend son avis en moins de 3 mois ; un record ! Le mal ne vient pas de là mais du freinage quasi institutionnel de quelques fonctionnaires ou services à Bourg ou à Paris et de la pression, en sous-main, d’une poignée d’élus…

« Chi va piano va sano, … »
En 1992, un véritable bras de fer entre « deux petits ministères », celui de l’Environnement et la Direction à l’espace aérien, se déroule en coulisse : en cause la hauteur minimale de survol des « aéronefs » au-dessus de la réserve naturelle : 300 mètres réclamé pour la protection de la faune (oiseaux notamment) et des milieux ; 100 mètres seulement pour la « sécurité » des avions décollant et atterrissant à Genève-Cointrin … qui obtiendra gain de cause.

Grand Tétras. Photo JC Marchand

Un deuxième Comité de pilotage
En attendant, le Ministère initie un 2° Comité de pilotage animé par Jean-Paul Camel, ingénieur ONF, chargé de mission pour l’ambitieux projet de protection du Massif du Mont-Blanc et … rendu disponible en raison de l’hostilité des élus de la vallée de Chamonix ! Le malheur des uns … ! Ce comité rassemble les principaux acteurs locaux du projet, sous l’autorité bienveillante du nouveau sous-préfet de Gex, Pierre Jobard; outre les élus et les ARN, incontournables, l’ONF (Office National des Forêts) mais aussi les représentants des chasseurs (Albert Lachavanne-Dufour puis Michel Dunand, présidents de l’Amicale des sociétés de chasse du Pays de Gex), et quelques personnalités qualifiées pour leur implication. Beaucoup de monde en somme !

Mais sans la présence des milieux sportifs ou touristiques … lesquels de leur côté, fourbissent leurs armes en catimini, multipliant notamment les projets d’extension de remontées mécaniques, avec plusieurs UTN en 1990-1991-1992 (Unités Touristiques Nouvelles : Lélex-Mijoux, Lélex-Crozet), dont la Réserve Naturelle est une contrepartie officielle, et qui devraient donc être menées de pair … L’UTN Lélex-Mijoux de 1990 prévoit même une contribution à la réserve naturelle de 240 000 francs … qui ne sera jamais versée ! Projets auxquels s’ajoutent la Course du Balcon du Léman sur Thoiry, de nouvelles pistes de ski de fond à La Vattay ou encore le projet de pistes et de centre VTT sur Crozet, à l’initiative de l’adjoint Michel Couillard, lancés, surtout pour ce dernier, comme autant de « faits accomplis» qui exaspèrent les protecteurs de l’environnement. La presse s’en mêle qui parle de « méfait accompli » …

La chasse n’est pas remise en cause, même si l’opinion publique s’en étonne ; les ARN ont fini par l’accepter et doivent souvent « justifier » ce maintien, à leur corps défendant !
Bertrand Girod de l’Ain, propriétaire de vastes terrains à la Ramaz et au Fierney, sur la commune de Crozet, apporte, lui, une caution inestimable au projet de réserve naturelle, tout comme Paul Tissot, mandataire des familles Piquet et Vecchio, alors propriétaires de l’emblématique Crêt de la neige. Il favorise par ses nombreuses relations parisiennes les contacts entre les « décideurs » et organise, entre autres, le 3 septembre 1991, une conférence de presse dans son château de Chevry. En mars 1992 la Réserve naturelle s’invite même dans les élections cantonales opposant le candidat écologiste Henri Bersinger au maire de Ferney Pascal Meylan.

Réflexions sur la gestion
Le nouveau Comité de pilotage est chargé de plancher sur les plans de circulation pour les véhicules à moteur, pour les VTT, pour les randonneurs … mais aussi sur un organe de gestion de la future réserve naturelle. Huit réunions se déroulent en 1992. Un déplacement est même organisé dans le Vercors, à Chichiliane, en mai, pour rencontrer le directeur du PNR, Dominique Parthenay, gestionnaire de la plus vaste réserve naturelle de France (17 000 hectares) sur les Hauts plateaux, territoire qui ressemble à bien des égards à celui de la Haute chaîne du Jura. JP Camel et les représentants des ARN (Jacques Duthion et Pierre-Maurice Laurent) sont en terrain connu, tant du point de vue des milieux naturels que des enjeux et, même, des aspects juridiques. Par contre, pour la plupart des autres participants, c’est à bien des égards une découverte complète … Une structure de gestion est arrêtée : aux 3 entités « évidentes », proposées par les ARN, à savoir associations de défense de la nature, élus, ONF, en sont adjointes 3 autres sur la suggestion de Roger Anselme: chasseurs, alpagistes, propriétaires… Pour le meilleur, si les entités acceptent d’utiliser leurs réseaux pour créer une synergie – c’est le pari de la préfecture- ou pour le pire si chacun défend son pré carré et les intérêts corporatistes qu’il représente. C’est ce que craint Jean-Michel Faton, conservateur des Ramières du Val de Drôme, influent membre de RNF, auditionné par le Comité.
Les chasseurs ne lâchent rien ; mécontents d’avoir dû accepter sous la pression du ministère la mise en place de 10% de réserves de chasse (donc autant de secteurs sans chasse), ce qui est la règle, ils « marquent les ARN à la culotte » et exigent une exacte parité : 2 sièges pour les ARN, donc 2 sièges pour les chasseurs ! etc … C’est mal parti !
L’association s’appellera GERNAJURA.

Crêt de la Neige. Photo Pierre Maurice Laurent.

Attente tendue et sensibilisation tous azimuts
Fort de cette avancée ( !) le ministère, via la DIREN, débloque une somme, modeste, mais symbolique de 52 000 francs pour « financer les actions préalables à la mise en place de l’organisme de gestion de la future réserve naturelle ». Du jamais vu ! Cette somme est versée aux ARN, par le truchement du SIGEP, organe de coopération intercommunale, préfiguration de la future CCPG (aujourd’hui PGA), à l’instigation de son président Pascal Meylan, soutien exigeant et difficile mais convaincu de la réserve. N’a-t-il pas interpellé les gens du ministère, lors d’une des multiples rencontres des années 90-92 en leur disant : « Messieurs, donnez-nous les moyens [en créant cette réserve naturelle] de nous empêcher de faire des bêtises ! ».

Le week-end du 5-6 décembre 1992, une association nouvellement créée par Jean-Marie Fresnel, chef d’une entreprise sise sur le Technoparc de Saint-Genis-Pouilly, POLLEN (Pôle Lémanique de l’Environnement) et qui ambitionne de regrouper les compétences (entre scientifiques, entreprises, collectivités, associations environnementales) pour réaliser des projets dans le domaine de la protection de l’environnement à l’échelle du bassin lémanique, organise un colloque « Des Réserves et des Parcs naturels, pour quoi faire ? ». L’occasion d’une formidable sensibilisation.

Plus de 150 participants. Une large diffusion, y compris par la publication des Actes. Les ARN, sollicités pendant l’été, s’y sont impliqués à fond, apportant leur connaissance du sujet, leur technicité et jouant leur rôle de vulgarisateur.
De leur côté le 15 aout les ARN avaient organisé une enquête sur la fréquentation des randonneurs, avec une dizaine de points de passage répartis sur tout le territoire de la RN. Plus de 200 personnes (seulement/quand même !?) interrogés longuement dans une ambiance météo étonnement médiocre pour cette date, bise et couverture nuageuse sur les crêtes !

Franchir la barre
Une année 1992 riche et dense d’actions pour les ARN, toujours sur la brèche !
Pourtant, dans son édito de la Lettre Info n°10, le président, Pierre-Maurice Laurent, laisse percer un mélange d’agacement et d’inquiétude en le titrant « franchir la barre », en référence au risque pour les navigateurs (solitaires), harassés par leur interminable traversée des océans, tel Gérard d’Aboville, de passer les hauts fonds périlleux aux abords de l’arrivée …
Combien de semaines, de mois d’attente encore ?
Combien de « troupes » encore prêtes à s’engager ?
Combien de coups bas à prévenir ? On entend de plus en plus la petite musique des opposants d’hier, désormais convaincus de la vanité de leur résistance, « oui à la réserve naturelle, mais sans les Amis de la réserve naturelle ».

26 février 1993
Le vendredi 26 février 1993, le décret de création de la Réserve naturelle de la Haute Chaine du Jura est –enfin- signé par le premier ministre, Pierre Bérégovoy et la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal !
La parution au JO (n°93-261) sera faite le surlendemain, lundi 28 février. Un délai record ! … Après une si longue attente.
Et en toute discrétion … !

En pleine période de congés scolaires, Pierre-Maurice Laurent, parti faire du ski en famille dans le Dauphiné (il n’a guère vu ses enfants depuis 3 semaines, avec l’AG des ARN le 5 février, une flopée d’autres réunions associatives jusqu’à Bourg, plus encore de réunions municipales et intercommunales, son boulot de prof au lycée de Ferney, … !), sera avisé 5 jours plus tard par un coup de fil du Vice-président, Jacques Duthion, prévenu par le secrétaire général de la Sous-préfecture, Jean-Paul Guillaud …
A son retour, il organise, à la va vite, un pot, chez lui, dans la vieille ferme rénovée de Feigères avec ceux des membres du CA et quelques autres disponibles, autour d’un feu de bois. Pascal Meylan, informé, rejoint, sans façon, la petite troupe qui trinque joyeusement, avec une « cuvée du décret », concoctée par Jacques Duthion : « grande réserve, produit par les ARN et quelques complices à la tâche depuis de nombreuses années pour permettre sa mise en place dans l’allégresse », comme des « grognards » évoquant batailles, coups durs, succès et, pour finir, la belle satisfaction du devoir accompli avec la concrétisation de la 112° réserve naturelle, la 3° plus grande de France métropolitaine.
Enfin !

De quoi se réjouir ! … « sans réserve » !

Une semaine plus tard, le 11 mars 1993, une réunion publique, conjointe du SIGEP et des ARN, réunit 130 personnes. Pour l’occasion, une équipe des ARN (Jean Vergès, Alexandre Malgouverné, Jacques Duthion, Jocelyne Boch, Jean-Louis Rolandez…) réalise en quelques jours une « double page », pour le journal local « le Pays Gessien » (daté du 12/03/1993), avec un article de Pascal Meylan et un autre du préfet de l’Ain, Jean-Pierre Lacroix. Une prouesse !

Et peu après, un luxueux tiré à part du beau livre de l’APEGE (gestionnaire des réserves naturelles de Haute-Savoie, ancêtre d’Asters) « Des réserves naturelles en Rhône-Alpes » en quadrichromie, est publié avec l’aide financière et technique de RNF (Réserves Naturelles de France), il sera un véritable ambassadeur au niveau national.

Préfet de l’Ain, Jean-Pierre Lacroix, au Creux de la Neige. 1993.

Le 24 juin 1993, sous la présidence du préfet, le premier Comité consultatif de la réserve naturelle se réunit, en Sous-préfecture de Gex. Il rassemble une cinquantaine de personnes, dont une majorité d’élus, avec (seulement ?) une demi-douzaine de places pour les associations de protection de la nature (ARN, AGENA, Frapna, Flore du Jura, …). La création d’un Conseil scientifique, obligatoire, reste en suspens devant l’hostilité du maire de Farges, Daniel Juliet, à la tête d’une partie des élus et de plusieurs représentants « d’activités traditionnelles » …


Le 2 juillet l’organisme de gestion de la Réserve Naturelle, validé huit jours plus tôt, GERNAJURA se réunit en mairie de Thoiry. Les ARN n’obtiennent pas sa présidence qui revient au maire de Thoiry, Thierry Bénier.

Une réserve naturelle, pour qui ? pour quoi faire ?
La messe est dite.
« Et maintenant ? » comme l’écrit le journal « Ferney que j’aime » en commentaire de la création de la Réserve Naturelle, quelques mois plus tôt : « Rien n’est jamais acquis … ».

Pierre-Maurice Laurent, 28 avril 2023