Rencontres d’automne avec le Roi

La saison automnale est la meilleure période pour observer le roi de nos forêts. Le brame du Cerf commence début septembre et finit fin octobre.

Il est très difficile d’observer cet impressionnant animal au cœur du massif Jurassien. Il y a heureusement des endroits où des hardes se réunissent, et où il est plus facile de faire de belles rencontres sans déranger.

Les bords du Rhône ont des endroits propices pour que les cerfs venus du Massif se rassemblent avec leur harde de biches, daguets et faons. Ils rejoignent alors une zone de quiétude sauvage où l’on peut les entendre même en plein jour.

Voici quelques images pour illustrer leur environnement dans un endroit de rencontre, un vaste espace formé de roselières et d’eau.

La baignade du 16 cors, dans un bras du Rhône.
La biche nage jusqu’à la place de brame
Jeune cerf dans son royaume
Sorti du bain, le cerf traverse la roselière
A travers les feuillages, la biche
Le reflet du roi
Quiétude sauvage
La biche rejoint la terre ferme
Dans le brouillard matinal

Gilbert Fortune

Qu’est ce que le KORA ?

« KORA – Ecologie des carnivores et gestion de la faune sauvage » est une fondation Suisse d’utilité publique basée en Suisse alémanique.

Son but est d’étudier le mode de vie des cinq carnivores que sont le lynx, le loup, l’ours, le chat sauvage et le chacal doré.

Le KORA suit non seulement l’évolution de leur population à l’échelle de la Suisse toute entière mais participe aussi à des projets internationaux (rétablissement du lynx des Balkans, projet avec l’OFB de simulation de la dispersion/connectivité pour le lynx).

Le KORA fournit des informations aux autorités Suisse et au public et joue un rôle consultatif. Il observe aussi l’impact des grands prédateurs sur le paysage et développe les bases d’une coexistence peu conflictuelle des grands carnivores avec les humains.

Il assure également le suivi des effets du retour des grands prédateurs sur leurs proies sauvages, mais aussi le suivi de leur statut génétique et de la santé des populations. Il étudie par ailleurs le taux d’acceptation par la population Suisse des grands carnivores.

Le KORA utilise le monitoring pour acquérir les données concernant les populations de ces cinq carnivores.

Le monitoring des prédateurs est difficile et aucune méthode parfaite n’existe. Le KORA pratique le monitoring opportuniste par piège photographique, le recueil d’observations fortuites, d’animaux retrouvés morts, de dégâts causés, etc. Il prélève également des échantillons en vue d’analyses génétiques (loup et ours).

Mais il utilise également des méthodes de monitoring déterministe spécifiques à chaque espèce. Dans le cas du lynx, la taille et la densité de la population sont estimées par des méthodes de capture-recapture photographique (tout comme à la RNNHCJ, voir https://www.arn-nature.fr/2022/02/02/tout-savoir-sur-le-suivi-des-lynx/ et https://www.kora.ch/fr/especes/lynx/piegeage-photographique pour plus de détails) tous les trois à quatre ans dans les aires de référence. Dans le cas du loup, ce sont des méthodes génétiques (salive sur animaux prédatés, excréments, urine, poils, sang ou tissus) combinées avec un monitoring opportuniste par piège photographique qui sont utilisés pour évaluer la taille de la meute et le nombre de petits.

Enfin, le KORA utilise aussi la télémétrie ainsi que des systèmes GPS pour parfaire le suivi de certains de ces grands prédateurs (https://www.kora.ch/fr/projets/monitoring-grands-carnivores/telemetrie)

Vous pourrez en apprendre encore beaucoup plus sur chacun de ces prédateurs (Portrait, Détection, Distribution/populations, Prédation d’animaux de rente, etc.) en parcourant le site web du KORA (https://www.kora.ch/fr) ou en vous abonnant à sa newsletter (https://www.kora.ch/fr/kora-news-inscription) Bonne lecture !

Patrick Joudrier

Quatre saisons au Reculet

Dans la réserve naturelle du haut Jura, il est un sommet emblématique : le Reculet.

Situé dans le milieu de la chaine, avec ses 1718m d’altitude (2eme plus haut sommet du Jura) et sa croix de fer, il est visible de loin et attire le regard.

C’est un lieu de randonnée prisé par beaucoup de monde quel que soit la saison (il est sur l’itinéraire du GR9 du balcon du Léman).

Depuis celui-ci, nous pouvons admirer un panorama à 360 degrés. (Vuache, Grand Colombier, chaîne du Jura, Alpes suisse, Alpes françaises avec le Mont-Blanc en point d’orgue, Salève).

Vuache depuis le Reculet
Mont Blanc

Sa croix a été fabriquée et installée au 19eme siècle. Elle fût acheminée et montée pièce par pièce à dos d’homme et inaugurée le 25 juillet 1892.

Suite aux outrages du temps, sa restauration est envisagée dans un futur proche.

Il se trouve au milieu d’alpages accueillant des troupeaux de vaches l’été. De nombreuses espèces de fleurs le colorent. L’on passe du jaune, au rose, au bleu, au violet selon la période.

Plusieurs espèces endémiques colonisent ses abords.

Petite liste non exhaustive : lis martagon, jonquille jaune, grassette commune, campanule hirsute, orobanche du thym, nigritelle noire, helléborine rouge, soldanelle, arnica, gentiane élevée, digitale jaune, …

De nombreux chamois occupent aussi le secteur. On peut les rencontrer, au printemps, au pied de la croix en train de brouter paisiblement (les promeneurs se faisant encore rare à cette époque).

De temps en temps, l’aigle royal fait une petite escapade jusqu’ici.

Ce lieu unique m’attire régulièrement. Chaque année, je le gravis 5/6 fois. J’arrive bientôt à la centième montée. Il y a toujours quelque chose à observer et à découvrir.

Bien sûr, c’est une randonnée qui nécessite un effort certain et un minimum de condition physique (860m de dénivelé, 9km de distance depuis le Tiocan à Thoiry).

Mais l’arrivée au sommet avec sa vue à 360 degrés récompense tous les efforts.

Evoluant dans la réserve naturelle, il faut bien évidemment rester sur les sentiers, respecter les troupeaux, ramener ses déchets, laisser toutou à la maison et écouter le silence.

Jean-Loup Gaillard

C’est le mois des hérissons !

Photo Wikicommons / Piotr Laskawski
 

Le réseau d’associations de protection de la nature FNE (France Nature Environnement), dont font partie les ARN, fête ce mois-ci son emblème : le hérisson. L’occasion d’en savoir un peu plus sur cet animal attachant et pourtant souvent malmené par nos activités. Rencontre.

Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis un hérisson, autrement appelé Erinaceus europaeus. Je suis un Mammifère, tout comme vous, mais de la famille des Insectivores.

Où vivez-vous ?

Je suis plutôt cosmopolite. Vous pouvez me rencontrer dans une grande diversité de milieux, du fond des forêts jusqu’à vos jardins, avec une prédilection pour un bocage diversifié et riche en haies. En revanche, je ne suis pas un montagnard dans l’âme donc on me voit rarement au-delà de 1 500 m d’altitude.

Faites-vous partie des petits mammifères qui se reproduisent en nombre ?

Tout d’abord, je ne suis pas si petit que cela : entre 800 g et 1,2 kg ! Pour ce qui est de ma reproduction, elle peut avoir lieu de mars à août et il est vrai que chaque portée peut avoir jusqu’à 7 jeunes et que nous pouvons avoir deux portées par an, avec des naissances entre mai et septembre. Mais de là à considérer que je me reproduis « en nombre », tout est relatif…

Et qu’en est-il de vos périodes d’inactivité ?

Tout d’abord, je suis un animal crépusculaire à nocturne donc surtout actif quand vous dormez ! Il m’arrive d’avoir une activité diurne donc pas de panique si vous me voyez de jour !

Au cours d’un cycle annuel, l’absence de nourriture en hiver a « poussé » mes ancêtres, au fil de l’évolution, à entrer en hibernation durant les mois d’hiver. C’est instinctif : quand la luminosité et la température baissent, ainsi que la disponibilité alimentaire, j’entre dans un long sommeil (de novembre à mars, en général) durant lequel toutes mes fonctions sont ralenties. La température de mon corps peut tomber à 4°C. Je peux néanmoins être actif en hiver, notamment en cas de redoux durable.

Dans tous les cas, c’est une étape difficile dont tous les hérissons ne sortent pas indemnes… d’autant plus s’ils sont dérangés, par exemple par une tronçonneuse ou par des enfants un peu trop enthousiastes à l’idée de nous admirer, car une telle perte d’énergie entame sérieusement nos réserves d’énergie.

Quelle est votre durée de vie ?

En théorie, c’est-à-dire dans les cas extrêmes observés en captivité, je peux vivre jusqu’à 10 ans. En réalité, je m’estime déjà privilégié d’avoir pu fêter ma deuxième bougie car les dangers sont nombreux…

Quels sont vos prédateurs ?

Mon pire ennemi : le blaireau. Le renard, le loup ou le chien peuvent aussi nous mettre occasionnellement à leur menu mais nous sommes plus fréquemment croqués par des rapaces.

Vous êtes pourtant bien équipés contre les prédateurs, avec vos célèbres piquants…

C’est certes une armure efficace (j’en porte jusqu’à 7 000 !) mais pas pour autant sans faille, notamment face aux redoutables griffes du blaireau. Nos piquants ne sont pas des épines. Ils sont constitués de kératine, comme vos cheveux et vos ongles.

J’en profite, au passage, pour préciser que, contrairement à une histoire que vous continuez à raconter, NON, les renards n’urinent pas sur nous afin que nous leur présentions notre fragile abdomen (soupir)…

Mais mes prédateurs naturels, y compris les parasites et maladies, ne sont pas un problème pour la survie de mon espèce, contrairement à…

… Laissez-moi deviner… l’espèce humaine ?

Et oui, alors que mon espèce est protégée par vos lois ! Nous vous subissons principalement de trois façons. Tout d’abord, nos piquants ne sont pas plus efficaces contre les roues de vos véhicules que contre les griffes des blaireaux. Mais ceux-ci nous tuent pour se nourrir, sans excès, alors que vos voitures… Nous sommes au moins 700 000 chaque année à finir en funeste galette.

Quelle idée, aussi, de traverser des routes !

Tout est question de point de vue… Je trouve que c’est plutôt vous qui construisez routes, habitations et autres centres commerciaux sur (presque tous) les espaces où nous vivions tranquillement (bien que pas toujours pacifiquement) avec de nombreuses autres espèces ! Nous ne savons plus où aller et nous avons besoin de nous déplacer : lorsque nous quittons notre « famille », pour trouver notre nourriture ou un partenaire sexuel… c’est vital !

Photo Wikicommons / George Chernilevsky

Vous vous êtes pourtant bien adaptés à nos jardins.

Oui, quand vous ne les clôturez pas de murs et grillages parfaitement hermétiques dans votre manie d’avoir un jardin « bien net, bien propre » ! Sans parler de vos abominables murs végétaux de thuya ou de laurier. Si vous pouviez laissez un petit passage adapté à notre taille (20 cm x 20 cm) dans vos clôtures et des arbres champêtres dans vos haies… Fort heureusement, certain.es d’entre vous le font, tout comme ils aménagent des tas de feuilles mortes et de branches pour nous offrir un lieu d’hibernation en remplacement de tous les endroits que nous avons perdus. Mais nous sommes loin du compte.

Exemple de passage pour petite faune dans un mur (Photo Groupe Mammalogique Normand)

Et quel est le troisième fléau dont vous vouliez nous parler ?

Les pesticides ! Vous êtes encore trop nombreuses et nombreux (oui, les hérissons utilisent l’écriture inclusive !) à en utiliser dans vos jardins potagers ou d’agrément, notamment pour lutter contre les limaces. Vous nous tuez ainsi alors que nous sommes un prédateur très efficace de ces limaces !

Vous n’êtes pas insectivore ?

Bien sûr, les insectes sont au menu de mon espèce mais nous mangeons en réalité toutes sortes de petits animaux (araignées, mollusques, vers de terre, etc.), des œufs, des graines, des fruits… Tout ce qui est naturel, comestible et qui rentre dans notre petite bouche, en réalité. Par contre, même si nous n’y résistons pas, merci d’éviter lait, pain et croquettes pour chats… Ils peuvent notamment provoquer de terribles diarrhées (pouvant être mortelles) et nous sommes capables de trouver notre nourriture seul.es ! Par contre, nous ne sommes pas contre une coupelle d’eau en période de fortes chaleurs. Elle servira aussi à beaucoup d’autres animaux !

Nous sommes de vrai.es allié.es du jardinier ! Alors, si vous ne rendez pas votre jardin plus accueillant pour nos beaux piquants, faites-le pour vous !

Est-ce pour cela que vous êtes l’emblème de FNE ?

Pas tout à fait. C’est en 1981 que nous avons eu l’honneur d’être choisi comme animal totem de ce réseau d’associations de protection de la nature. C’est logique : si on nous caresse dans le sens des piquants en acceptant la discussion lors de concertations, tout va bien, mais si on nous agresse, nous sortons les piquants !

La fête des hérissons qui aura lieu du 23 au 29 septembre sera-t-elle en mode caresse ou en mode piquants ?

Les deux ! L’ensemble du réseau FNE, auquel appartiennent les Ami.es de la Réserve Naturelle, vous propose 1001 manières de s’engager pour la nature. Vous trouverez toutes les informations sur la page dédiée du site Internet de FNE. Si vous souhaitez mieux connaitre FNE Ain, association amie des ARN, voire discuter de votre engagement éventuel dans une de ses actions, vous êtes les bienvenu.es à Bourg-en-Bresse pour un apéro de rentrée des hérissons de l’Ain jeudi 26 novembre à partir de 18h. N’hésitez pas à nous contacter pour un co-voiturage !

Parmi les actions menées partout en France depuis des années en faveur de notre espèce, donc bénéfiques, plus généralement, à la biodiversité, vous pouvez participer à l’opération hérisson : un recensement participatif pour que vous puissiez mieux nous connaitre afin de mieux nous protéger !

Alors, à nous de jouer ! Merci à vous et… bon courage !

Marjorie Lathuillière

Voyage hydrogéologique et sensoriel sous le Jura

Après un premier report et une sortie en juin n’ayant pas permis au groupe de pénétrer dans le tunnel en raison des fortes pluies de la nuit précédente, nous étions une douzaine, samedi 7 septembre 2024, à longer le Rhône depuis le pont Carnot afin de rejoindre l’émergence de la Bouna, cette rivière souterraine à l’histoire insolite !

C’est au bord du Rhône et sous un temps radieux que Jean Sesiano, hydrogéologue à l’université de Genève, nous narre l’histoire de la Bouna, une rivière souterraine sortant de terre de façon artificielle pour se jeter dans le fleuve. En 1883, de fortes crues souterraines et superficielles poussent l’eau à se frayer un chemin à travers les blocs de moraine pour sortir à marche forcée. Conséquence : un glissement de terrain, sous Fort l’Ecluse, emportant la voie ferrée et bloquant momentanément le passage du Rhône ! Les humains ont tôt fait d’accuser la nature de faire des siennes. Surprenant, quand les datations de concrétions trouvées dans les galeries montrent que la Bouna était active depuis au moins 120 000 ans et qu’elle n’avait pas, dans les décennies du début du XIXème siècle et malgré des épisodes de fortes pluies, provoqué de tels glissements de terrain… Plus vraisemblablement, les travaux réalisés en 1858 pour la mise en service de la ligne Bellegarde – Genève ont sans doute omis de réaliser les drainages souterrains nécessaires pour faire face à ce genre d’aléas météorologiques.

Suite à l’incident de 1883, plusieurs galeries ont été creusées afin de retrouver la rivière souterraine dans le but de la canaliser et de la faire ressortir artificiellement. L’émergence a ainsi été trouvée dans une grotte sous le Jura, à hauteur du Col du Sac. Depuis, la Bouna se jette dans le Rhône, de façon plus ou moins intense en fonction de la pluviométrie, comme constaté lors de la première tentative de visite de la galerie en juin. De ces explorations souterraines restent plusieurs galeries dont les exutoires sont visibles depuis le chemin qui longe le Rhône.

C’est par ce chemin que nous regagnons l’entrée de la galerie principale d’où émerge la Bouna. L’occasion pour Jean de nous faire remarquer que la forêt qui se trouve à ce niveau est beaucoup plus jeune que celle des environs, en raison du glissement de terrain de 1883.

Nous empruntons la galerie artificielle jusqu’à rejoindre la galerie naturelle, creusée par l’eau entre les blocs de moraine. A gauche, vers le nord, nous ne ferons qu’observer le début d’une galerie principalement inondée. A droite, une autre galerie rejoint les divers exutoires observés depuis le chemin longeant le Rhône. Une exploration que certain.es rêvent d’entreprendre une autre fois…

Sous terre, c’est un véritable festival pour nos sens : les joyaux résultant du travail de l’eau et du calcaire, le clapotis de l’eau et nos propres pas dans le filet d’eau qui coule au sol, la fraicheur de ce monde souterrain… Et avant de retrouver la lumière du jour, c’est l’ozone, absent dans l’obscurité de la galerie, qui vient titiller nos narines.

C’est “notre” Jean (Romand-Monnier) qui, lors de la première sortie de juin, a remarqué l’inversion, sur ce schéma de l’article sur la Bouna, entre les résultats de datation du cœur des concrétions calcaires et ceux de la périphérie.

Un grand merci à Jean Sesiano pour cette découverte exceptionnelle ! Pour tout savoir sur l’histoire de la Bouna et les études réalisées par Jean et son équipe, lisez l’article qui leur est consacré.

Marjorie Lathuillière