Actuellement, il n’y a pas de meute installée dans l’Ain. Seuls des individus en dispersion traversent le département. Près de chez nous, il existe une meute transfrontalière au Marchairuz, côté Suisse, et une autre dans le Jura dans la forêt du Risoux. En 2021, deux exploitations ont fait l’objet d’attaques, sur Izernore et Villereversure. Il y a eu une quarantaine de victimes, et un loup a été retrouvé écrasé non loin, à Villereversure peu de temps après. Deux attaques sur bovins ont eu lieu également sur Ornex et Divonne, dont l’origine est indéterminée.
La Haute Chaine du Jura est fréquentée régulièrement par des individus de la meute du Marchairuz, entre 1 à 5 loups dont 3 réguliers. On ne déplore pas d’attaque sur le cheptel domestique côté français, les proies des loups se limitant aux animaux sauvages, cerfs essentiellement. Côté suisse, au contraire, la prédation sur bovins est récurrente, surtout sur les veaux laissés seuls dans les pâturages, qui sont les plus vulnérables ! Ce phénomène inquiète et interroge car la meute se situe au cœur des pâturages où se trouve environ un millier de bovins … Les proies sauvages sont pourtant largement suffisantes dans le secteur. Une autorisation de tir de 2 louveteaux a été accordée par le canton de Vaud, mais elle n’a pas abouti à cause de la présence de groupes, opposés aux tirs, qui ont occupé le terrain. La Suisse n’a en effet pas le droit de tirer sur des loups adultes.
Par Patrick Joudrier, membre des ARN et photographe amateur.
Les yeux dans les yeux…
Est-ce que je le prends aujourd’hui ou pas ? Si c’est juste pour lui faire prendre l’air, est-ce bien utile? Pour les jumelles, la question ne se pose pas mais lui… bon allez, tu peux venir encore une fois mais tu as intérêt à sortir du sac à dos aujourd’hui! Lui… c’est mon reflex avec ses inséparables objectifs grand angle 17-40mm et télé-zoom 100-400mm. C’est vrai que les bougres ne sont pas extrêmement lourds mais quand on les rajoute à tous les autres effets qu’il faut mettre dans le sac à dos pour une rando à la journée dans le Jura l’hiver, ça commence à charger la mule et mes pauvres rotules!
Nous sommes fin janvier et cela fait bien 3 heures que j’ai quitté le village de Crozet pour rejoindre les crêtes en raquettes lorsque mon estomac m’ordonne de faire une petite pause, décision que mes jambes acceptent volontiers. Baguette fraîche, viande séchée, comté et quelques fruits secs… manque plus qu’un petit savagnin oxydé du Jura pour être au paradis! Du sommet d’un petit promontoire, j’en profite pour faire un n-ième tour d’horizon avec les jumelles lorsque… non, je ne rêve pas, après une matinée sans avoir vu âme qui vive, c’est bien un renard qui vagabonde dans la neige qu’on aperçoit là-bas. Il ne semble pas très bien savoir où aller.
Il zigzague, retourne sur ses pas, parcourt quelques mètres, se couche puis se relève quelques instants après pour continuer de zigzaguer en reniflant la neige, encore et encore. Il ne se dirige pas dans une direction bien définie mais semble plutôt quadriller une petite zone. Il est bien à 400-500m de moi et après 15 minutes de contemplation lointaine, trop lointaine, je décide de me rapprocher un peu. Auparavant, il faut prérégler le reflex: pleine ouverture (4.5), vitesse sur 1/1250s, ISO en automatique tout en vérifiant qu’on ne bute pas à 100 ISO et surtout, mode silencieux. Vite, remettre mes vivres dans le sac, enfiler l’appareil autour du cou et fourrer les raquettes dans le sac pour éviter leur bruit de castagnettes. Je visualise le trajet pour qu’il ne me détecte pas de loin et c’est parti !
Descente dans le petit val en direction de la combe puis passage comme prévu derrière le petit crêt hors de son champ de vision. Le renard roux (Vulpes vulpes) ne remarque pas facilement une personne parfaitement immobile (sans contraste trop exagéré). En revanche, il perçoit le moindre mouvement mais grâce à ce trajet savamment étudié, tout va bien pour l’instant. Il possède également un sens olfactif extrêmement développé (on l’estime 400 fois plus performant que le nôtre [1]) et arggg… je suis justement à mauvais vent! Quelle erreur de débutant! C’est sûr, il m’a senti de l’autre côté du crêt. Je m’en veux de l’avoir potentiellement dérangé! De toute façon, il faut sortir de cette combe. Lentement, tout doucement, à pas feutrés, je débouche du crêt et m’attends à le découvrir à une 100aine de mètres de moi… ou plus! Ça-y-est, je le vois. Il est toujours au même endroit. Il est magnifique ! Son pelage hivernal est bien fourni et sain, d’une belle couleur brun-roux.
Sa gorge et son ventre sont plutôt blancs. Sa queue au petit bout blanc est aussi bien gonflée. Mais qu’il est beau! Il vadrouille toujours à la recherche de nourriture. Il s’est un peu éloigné de sa position initiale mais reste à environ 150m de moi. Je dépose doucement mon sac par terre tout en le regardant mais il s’est arrêté net dans sa quête et me regarde!
Tout comme son odorat, son ouïe est particulièrement aiguisée. Elle sert à se prémunir d’un danger mais aussi à localiser les rongeurs et insectes qui émettent des bruits basses fréquences qui nous sont inaudibles mais que le renard perçoit parfaitement. Il entendrait ainsi le chicotement de rongeurs situés à 100m [2]. Et moi qui vient de déposer, il me semble pourtant délicatement, un sac à dos avec des castagnettes dans la neige! Ne plus bouger, surtout ne plus bouger! Il m’observe, il est en train de juger de ma dangerosité. Les 10 secondes qui suivent me semblent une éternité et un sentiment de culpabilité m’envahit. Ouf, il se remet tranquillement à parcourir les touffes d’herbes qui émergent des plaques de neige résiduelle. Il ne « mulote » pas mais enfouit régulièrement son museau dans des trous afin de débusquer des campagnols ou peut-être tout simplement des vers de terre dont il est aussi friand.
Toutes les minutes, il jette un œil dans ma direction. Régulièrement, il se couche puis semble faire une micro-sieste d’une à deux minutes, recroquevillé, sa truffe parfois enfouie sous sa queue touffue.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle sa queue s’épaissit l’hiver: elle permet d’isoler son museau lorsque le renard s’enroule pour dormir [2]. Je profite alors de ces quelques pauses pour m’avancer encore un peu, rampant avec mon matériel, jouant un peu à « 1-2-3 soleil ». A bonne distance, je décide d’arrêter de jouer à Rambo et l’observe longuement à l’aide de ma paire de jumelles.
Les minutes passent et ma présence ne semble vraiment pas le déranger. Je suis allongé dans la neige et me délecte de ces instants privilégiés, changeant de cadrage et de réglage et étudiant son comportement. Il vadrouille toujours à environ 100m de ma position puis soudain… mais, que fait-il ? Il a cessé de zigzaguer et vient désormais clairement dans ma direction. Tout d’abord tête au ras du sol toujours à la recherche de nourriture,
puis sa posture se redresse et il arrive désormais d’un pas bien décidé tout droit sur ma personne en regardant clairement dans ma direction.
Il est à présent à une trentaine de mètres de moi ! Tête parfois légèrement baissée, il continue encore d’avancer dans ma direction en « tirant de légers bords ». Je suis allongé dans la neige avec mon appareil photo autour du cou et ma paire de jumelles posée dans la neige. Allongé de la sorte, je suis assez vulnérable et il est maintenant à moins de 10m de ma position! La rage n’est plus d’actualité en France (+Suisse, Allemagne, Italie) depuis la fin des années 1990 [1][2][3]. Pendant des années, l’homme a essayé d’éradiquer les renards, son principal vecteur, mais heureusement sans succès. La dissémination massive de vaccins, parfois par hélicoptère, a finalement eu raison de la rage en France. Cependant, « partout en Europe, la vigilance s’impose encore pour plusieurs raisons. Premièrement, il existe un risque lié à l’importation d’animaux, en particulier de chiens en provenance de pays où la rage est encore présente. Deuxièmement, la rage existe encore dans certains pays de l’Est et son importation reste possible. Troisièmement, certains scientifiques supposent que le virus responsable de l’épizootie européenne était originellement lié aux chauves-souris et qu’il serait passé ensuite sur les carnivores. Si cette hypothèse est correcte, il n’est pas exclu qu’un passage de ce genre se reproduise »[2]. Sachant de plus qu’un renard enragé est totalement désorienté, se déplace de jour, s’approche sans crainte de l’homme et cherche à mordre des objets ou d’autres animaux, ma position allongée sur le ventre n’est pas judicieuse! Je me redresse lentement puis m’assois, jambes allongées devant moi. Il est désormais à 4-5m et renifle le sol tout autour de moi, me regardant très souvent. Je tourne avec lui pour l’admirer mais aussi toujours l’avoir à l’œil.
C’est un comble, le téléobjectif est sur sa focale minimum de 100mm et le renard déborde désormais du cadre! Il doit être à moins de 3m. Il continue de tourner autour de moi, humant le sol et reniflant mes empruntes.
Mais… que fait-il ? Il s’approche encore… il est à 50cm de mes pieds, continue d’avancer puis renifle maintenant mes chaussures!
Je reconnais que je reste sur mes gardes et malgré mes épaisses chaussures de randonnée me tiens prêt à retirer mon pied, juste au cas où…
In-cro-yable… il continue d’avancer doucement et renifle désormais mon mollet! Mais que veut-il? Jusqu’où va-t-il encore s’approcher ? Il lève alors la tête, s’immobilise et regarde droit dans l’objectif. Il est trop près et la mise au point ne se fait plus. Et de toute façon, j’ai bien mieux à faire! Je pose lentement le reflex sur mes jambes afin de profiter pleinement de cet instant magique.
Nous allons nous regarder les yeux dans les yeux pendant 10 bonnes secondes… 10 secondes d’in-des-crip-tibles émotions! J’en ai la chair de poule rien que d’y repenser!
Tout comme les autres moments fort de la vie, je me rappellerai à tout jamais de cet intense échange de regards et de la confiance réciproque qui s’est établie.
A partir de ce moment-là, ma crainte résiduelle disparue, ce ne sera que du pur bonheur! Je ne ferai que très peu de photos, profitant à fond de ces instants privilégiés. Mon compagnon restera encore 10 bonnes minutes autour de moi, s’éloignant pour mieux revenir tout proche, s’allongeant paisiblement à quelques mètres, zigzaguant devant moi, reniflant le sol et mes empruntes puis, comme toutes les bonnes choses ont une fin, il finira par s’éloigner progressivement et disparaître derrière un petit crêt.
Pourquoi s’est-il approché aussi près? Que voulait-il? Pourquoi a-t-il pris autant de risques? A-t-il senti que je ne lui voulais aucun mal ? Autant de questions qui resteront sans réponse…
Je resterai encore 5 minutes assis, ne comprenant toujours pas ce qui venait de se passer, la tête dans les étoiles et les yeux qui brillent comme un gamin à qui on avait offert la lune.
Merci à toi Renard, merci de m’avoir fait confiance, de m’avoir procuré ce bonheur et ses intenses émotions. Tu n’es pas perdant au change. Tu as déclenché en moi cette envie de mieux te connaître et de désormais indirectement participer à ta défense et ta protection. C’est en effet en tentant d’en connaître plus sur ce bel opportuniste que je découvrirai une autre association qui milite activement à la sauvegarde et protection des animaux sauvages en France: ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages). Tout comme les ARN, cette association a fait de la protection de la Nature son unique but. Longue vie aux Renards, longue vie à l’ASPAS, longue vie aux ARN !
Bibliographie
[1] Le Renard – Aspect, comportement, urbanisation, J.-P. et Y.-C. Jost, Ed. Cabédita 2005, ISBN 2-88295-429-8
[2] Le Renard – Description, comportement, vie sociale, mythologie, observation, Jean-Steve Meia, Ed. Delachaux et Niestlé 2016, ISBN 978-2-603-02451-5
L’alpage communal de Narderans est utilisé par deux agriculteurs. Toutefois, le sentier d’accès était devenu dangereux pour les promeneurs et impraticable pour les troupeaux, en raison des marches en bois trop espacées et du risque de tomber dans le ravin. Aussi la commune de Thoiry a reçu l’autorisation pour y réaliser des travaux qui ont commencé le 2 août.
Avant les travaux à gauche, après à droite !
Nécessité de nouveaux travaux
Suites à plusieurs orages, d’importantes coulées de pierres sont intervenues à l’entrée du creux de Narderans, menaçant d’emmener complètement le sentier et présentant un danger très sérieux pour les randonneurs et le bétail, des chutes de pierres pouvant intervenir à tout moment.
Etat de la coulée de pierres
Suite à l’étude d’un bureau spécialisé, en présence de la Réserve, de l’agglo et de la commune, des travaux de sécurisation vont être entrepris dès le 23 août. Au vu de l’urgence de ces travaux, Madame la Sous-Préfète a délivré l’autorisation, le prochain Comité Consultatif de Réserve sera informé.
Par Jean-Christophe Delattre, membre des ARN, photographe amateur.
Les activités humaines ont souvent pour conséquence de détruire des habitats naturels. Les zones humides en sont un parfait exemple. Elles auraient été réduites de 35% en seulement 40 ans dans le monde, et cette diminution, qui est maintenant tout de même freinée, ne s’arrête pas pour autant. Un bel exemple est le projet OPEN, qui se concrétise à Saint Genis Pouilly sur une belle prairie humide ! Pourtant, les zones humides sont les milieux les plus riches en biodiversité, alliant des habitats et des espèces à la fois terrestres, aquatiques ou dépendantes de ces deux deux types de milieux. Mais une fois n’est pas coutume, il arrive que les activités humaines soient à l’origine du façonnage d’une nouvelle zone humide. Ainsi, le marais de l’Etournel, situé au bord du Rhône sur la commune de Pougny, résulte de la réhabilitation d’une carrière d’extraction en roche meuble qui a été exploitée dans les années 1970 puis abandonnée à la fin des années 1980.
Aujourd’hui, ce site de 200 ha comprenant 8 étangs est reconnu pour son intérêt écologique. Il fait partie du réseau européen Natura 2000. De plus, au niveau départemental, il est classé ENS (Espace Naturel Sensible) et, à ce titre, a vocation à être géré, valorisé et ouvert au public. Le site est également règlementé par un APPB (arrêté préfectoral de protection de biotope). Le Marais de l’Etournel comprend également une réserve de Chasse et une réserve de pêche. Tout ceci rend sa gestion délicate. Cette responsabilité a été confiée au Parc Naturel Régional du Haut Jura.
Prairies humides, étangs et forêts alluviales rendent le site intéressant pour de multiples espèces animales, des insectes aux grands mammifères. Libellules, papillons, grillons et criquets sont nombreux. Les reptiles et amphibiens sont très présents également. On observe facilement la tortue de Floride, espèce invasive difficile à réguler. Notre tortue indigène, la Cistude, ne vit pas sur le site. La question de son introduction a déjà été évoquée.
Parmi les espèces emblématiques, le castor est bien implanté, résultat d’une introduction à la fin des années 90. En se baladant le long des étangs, on peut observer facilement les traces de son activité (arbres coupés en pointe, écorces rongées…).
Une autre espèce emblématique est le Cerf élaphe. Le site de l’Etournel est d’ailleurs connu pour le brame du Cerf à l’automne. Mais attention, interdiction de pénétrer sur le site entre 18h et 8h du matin, et ce du 15 septembre au 15 novembre ! Cette règlementation est indispensable pour dissuader les nombreux photographes amateurs d’aller déranger en masse les cerfs durant une période cruciale de l’année. Pour entendre l’impressionnant brame du roi de la forêt, une plateforme d’écoute est accessible à côté de la ferme des Isles.
Les oiseaux sont également très diversifiés. On peut croiser pas moins de 250 espèces différentes, à condition d’être observateur bien entendu ! Le site étant placé le long d’un couloir de migration, beaucoup d’oiseaux peuvent se succéder tout au long de l’année. Parmi les espèces remarquables, on peut citer dans la catégorie « hérons » le discret Butor étoilé qui fréquente les roselières en hiver.
Butor étoilé caché au bord de sa roselière. Photo J.C. Delattre
Plus récemment, la Rousserolle turdoïde, un gros passereau rare car exigeant sur la qualité de l’habitat, est revenu au printemps pousser son chant très puissant dans les roseaux. La sterne pierregarin, elle, a fait son apparition sur le site pour tenter de s’y reproduire. Enfin, on ne peut parler des oiseaux sans citer le Martin-pêcheur, l’un des plus beaux oiseaux d’Europe, qui habite les différents étangs du site tout au long de l’année.
Martin-pêcheur d’Europe au Marais de l’Etournel. Photo J.C. Delattre
La chasse, elle, n’est logiquement pas pratiquée dans cette « réserve de chasse ». Mais en tant que « réservoir » de cerfs et de sangliers, cette dernière fait régulièrement l’objet de battues d’effarouchement, dont le but est de déloger le nombre important d’animaux réfugiés au calme, qui peuvent causer beaucoup de dégâts dans les cultures environnantes. Durant la période de chasse, entre les chasseurs tirant juste en périphérie de la réserve et leurs chiens partant pister à loisir les mammifères au sein du marais, le dérangement reste important pour toute la faune habitant la zone.
En 2018, le PNR du Haut Jura a finalisé plusieurs aménagements sur le site. Un sentier découverte, accessible tous handicaps, a été mis en place pour canaliser les promeneurs sur une partie du site. Il n’attend que vous !
L’accès à certains étangs est maintenant interdit afin de créer des zones de quiétude pour les oiseaux et les mammifères. La règlementation n’est pas toujours respectée, que ce soit par les pêcheurs, les promeneurs et leurs chiens, ainsi que par les baigneurs qui s’accaparent l’un des étangs durant l’été malgré une interdiction totale.
L’avenir du Marais de l’Etournel pourrait être touché dans les années futures par un projet de captage d’eau de la nappe du Rhône, destiné à alimenter en eau potable une population de plus en plus importante. Les débits prélevés pourraient impacter de façon significative le site. Ce projet sera à surveiller !