Travaux sur le sentier de Narderans

Par Jean Romand-Monnier, Président des ARN

Premiers aménagements

L’alpage communal de Narderans est utilisé par deux agriculteurs. Toutefois, le sentier d’accès était devenu dangereux pour les promeneurs et impraticable pour les troupeaux, en raison des marches en bois trop espacées et du risque de tomber dans le ravin. Aussi la commune de Thoiry a reçu l’autorisation pour y réaliser des travaux qui ont commencé le 2 août.

Nécessité de nouveaux travaux

Suites à plusieurs orages, d’importantes coulées de pierres sont intervenues à l’entrée du creux de Narderans, menaçant d’emmener complètement le sentier et présentant un danger très sérieux pour les randonneurs et le bétail, des chutes de pierres pouvant intervenir à tout moment.

Etat de la coulée de pierres

Suite à l’étude d’un bureau spécialisé, en présence de la Réserve, de l’agglo et de la commune, des travaux de sécurisation vont être entrepris dès le 23 août. Au vu de l’urgence de ces travaux, Madame la Sous-Préfète a délivré l’autorisation, le prochain Comité Consultatif de Réserve sera informé.

Liens concernant les informations publiés :

https://mairie-thoiry.fr/travaux-sentier-de-narderans/

Connaissez-vous le Marais de l’Étournel?

Par Jean-Christophe Delattre, membre des ARN, photographe amateur.

Les activités humaines ont souvent pour conséquence de détruire des habitats naturels. Les zones humides en sont un parfait exemple. Elles auraient été réduites de 35% en seulement 40 ans dans le monde, et cette diminution, qui est maintenant tout de même freinée, ne s’arrête pas pour autant. Un bel exemple est le projet OPEN, qui se concrétise à Saint Genis Pouilly sur une belle prairie humide ! Pourtant, les zones humides sont les milieux les plus riches en biodiversité, alliant des habitats et des espèces à la fois terrestres, aquatiques ou dépendantes de ces deux deux types de milieux. Mais une fois n’est pas coutume, il arrive que les activités humaines soient à l’origine du façonnage d’une nouvelle zone humide. Ainsi, le marais de l’Etournel, situé au bord du Rhône sur la commune de Pougny, résulte de la réhabilitation d’une carrière d’extraction en roche meuble qui a été exploitée dans les années 1970 puis abandonnée à la fin des années 1980.

Aujourd’hui, ce site de 200 ha comprenant 8 étangs est reconnu pour son intérêt écologique. Il fait partie du réseau européen Natura 2000. De plus, au niveau départemental, il est classé ENS (Espace Naturel Sensible) et, à ce titre, a vocation à être géré, valorisé et ouvert au public. Le site est également règlementé par un APPB (arrêté préfectoral de protection de biotope). Le Marais de l’Etournel comprend également une réserve de Chasse et une réserve de pêche. Tout ceci rend sa gestion délicate. Cette responsabilité a été confiée au Parc Naturel Régional du Haut Jura.

Prairies humides, étangs et forêts alluviales rendent le site intéressant pour de multiples espèces animales, des insectes aux grands mammifères. Libellules, papillons, grillons et criquets sont nombreux. Les reptiles et amphibiens sont très présents également. On observe facilement la tortue de Floride, espèce invasive difficile à réguler. Notre tortue indigène, la Cistude, ne vit pas sur le site. La question de son introduction a déjà été évoquée.

Parmi les espèces emblématiques, le castor est bien implanté, résultat d’une introduction à la fin des années 90. En se baladant le long des étangs, on peut observer facilement les traces de son activité (arbres coupés en pointe, écorces rongées…).

Une autre espèce emblématique est le Cerf élaphe. Le site de l’Etournel est d’ailleurs connu pour le brame du Cerf à l’automne. Mais attention, interdiction de pénétrer sur le site entre 18h et 8h du matin, et ce du 15 septembre au 15 novembre ! Cette règlementation est indispensable pour dissuader les nombreux photographes amateurs d’aller déranger en masse les cerfs durant une période cruciale de l’année.  Pour entendre l’impressionnant brame du roi de la forêt, une plateforme d’écoute est accessible à côté de la ferme des Isles.

Brame du Cerf. Photo: Bertrand Dupont

Les oiseaux sont également très diversifiés. On peut croiser pas moins de 250 espèces différentes, à condition d’être observateur bien entendu ! Le site étant placé le long d’un couloir de migration, beaucoup d’oiseaux peuvent se succéder tout au long de l’année. Parmi les espèces remarquables, on peut citer dans la catégorie « hérons » le discret Butor étoilé qui fréquente les roselières en hiver.

Butor étoilé caché au bord de sa roselière. Photo J.C. Delattre

Plus récemment, la Rousserolle turdoïde, un gros passereau rare car exigeant sur la qualité de l’habitat, est revenu au printemps pousser son chant très puissant dans les roseaux. La sterne pierregarin, elle, a fait son apparition sur le site pour tenter de s’y reproduire. Enfin, on ne peut parler des oiseaux sans citer le Martin-pêcheur, l’un des plus beaux oiseaux d’Europe, qui habite les différents étangs du site tout au long de l’année.

Martin-pêcheur d’Europe au Marais de l’Etournel. Photo J.C. Delattre

La chasse, elle, n’est logiquement pas pratiquée dans cette « réserve de chasse ». Mais en tant que « réservoir » de cerfs et de sangliers, cette dernière fait régulièrement l’objet de battues d’effarouchement, dont le but est de déloger le nombre important d’animaux réfugiés au calme, qui peuvent causer beaucoup de dégâts dans les cultures environnantes. Durant la période de chasse, entre les chasseurs tirant juste en périphérie de la réserve et leurs chiens partant pister à loisir les mammifères au sein du marais, le dérangement reste important pour toute la faune habitant la zone.

En 2018, le PNR du Haut Jura a finalisé plusieurs aménagements sur le site. Un sentier découverte, accessible tous handicaps, a été mis en place pour canaliser les promeneurs sur une partie du site. Il n’attend que vous !

L’accès à certains étangs est maintenant interdit afin de créer des zones de quiétude pour les oiseaux et les mammifères. La règlementation n’est pas toujours respectée, que ce soit par les pêcheurs, les promeneurs et leurs chiens, ainsi que par les baigneurs qui s’accaparent l’un des étangs durant l’été malgré une interdiction totale.

L’avenir du Marais de l’Etournel pourrait être touché dans les années futures par un projet de captage d’eau de la nappe du Rhône, destiné à alimenter en eau potable une population de plus en plus importante. Les débits prélevés pourraient impacter de façon significative le site. Ce projet sera à surveiller !

Dracula sur la Haute ChaÎne !

Par Pierre-Maurice Laurent, membre des ARN et ancien président de l’association, membre de la Cellule technique de la Réserve Naturelle au titre du Conseil scientifique.

Qui connait l’Orobanche de Bartling (Orobanche bartlingii) ?

A vrai dire pas grand monde, même parmi  les botanistes.

Et pourtant cette petite plante discrète de 10 à 20 cm de haut pour sa tige écailleuse, dressée et portant un épis de 10 à 30 fleurs jaunâtres, plus ou moins lavées de rouge, pouvant faire croire qu’il s’agit d’une sorte d’orchidée comme l’orchis Néottie nid-d’oiseau, est l’une des trois espèces végétales bénéficiant du statut « d’espèce à enjeu » dans le tout nouveau Plan de gestion de la Réserve naturelle de la Haute Chaîne du Jura (PG3). C’est une espèce mal connue mais inscrite sur la liste rouge des espèces en danger.

Son aire de répartition est pourtant vaste puisqu’elle s’étend jusqu’en Chine via la Sibérie et les pays baltes ; en France elle est confinée aux départements frontaliers de l’est, en stations éparses.

Découverte en 2001 par Patrice Prunier, elle a fait l’objet d’un suivi depuis 2009 par les Conservatoires Botaniques alpin et de Franche-Comté et, surtout, la récente Etude « Reculet- Crêt de la Neige » (2015-2016), portée par le gestionnaire de la Réserve Naturelle, la CCPG, et pilotée par le Conseil scientifique, l’HEPIA et l’équipe de la Réserve Naturelle, a permis d’en savoir plus. Une seule station est connue sur la Haute Chaîne du Jura ; elle est l’une des plus importantes de France avec des effectifs d’environ …  250 tiges.

C’est dire la rareté de l’espèce !

Mais c’est une plante encore largement énigmatique en raison d’une forte variabilité interannuelle et d’une vie souterraine encore très mal connue. La mise en place d’un protocole précis et, surtout, fixe permettra de mieux comprendre la répartition et l’écologie de cette espèce.

Crédit photo: Réserve Naturelle de la Haute-Chaîne du Jura

Vous avez dit Dracula ?

Comme toutes les orobanches (plus de 150 espèces) c’est une plante qui, à défaut de chlorophylle, doit aller chercher chez une plante hôte « le couvert »  en utilisant le système vasculaire de cette dernière pour lui soutirer eau, sels minéraux et composés organiques … L’efficacité de ce parasitage (sur les racines de l’hôte) est très limité, alors l’orobanche compense  cette faiblesse par la multiplication de minuscules graines (plusieurs dizaines de milliers par plante !). A tel point que certaines orobanches sont devenues de réelles menaces, dans les plaines, pour des cultures comme tomate, pomme de terre, colza, trèfle, chanvre …  Ce n’est, évidemment, pas le risque sur la Haute Chaîne. L’Orobanche de Bartling est strictement inféodée à une petite ombellifère, le Seseli libanotis, (Séséli du Liban), parfois appelé « persil de montagne », qui pousse dans les pelouses calcaires, sèches et rocailleuses vers 1400 mètres d’altitude.

Une plante à enjeu pour la Réserve naturelle

L’élaboration du 3ème plan de gestion de la Réserve Naturelle a duré plus de deux ans et a nécessité le recrutement d’une chargée de mission scientifique, en appui de l’équipe permanente de la Réserve Naturelle et de ses supports (Cellule technique et Conseil scientifique). Il a été validé l’an dernier par le Comité Consultatif de la Réserve Naturelle de la Haute Chaîne du Jura (CCRN) et par le Conseil Scientifique Régional  du Patrimoine Naturel (CSRPN). Huit objectifs majeurs ont été dégagés :

  • 3 enjeux : pour le Grand Tétras, pour le Lynx, pour la flore patrimoniale,
  • 2 milieux naturels : écosystèmes forestiers et pelouses mésophiles montagnardes,
  • 3 secteurs : amélioration de la connaissance, ancrage territorial, fonctionnement.

Parmi les 1466 espèces floristiques connues, trois ont été considérées comme représentant un enjeu patrimonial très fort pour lesquelles la Réserve Naturelle avait « une responsabilité majeure ». Outre l’Orobanche de Bartling, le flamboyant Chardon bleu (Eryngium alpinum), communément appelé « panicaut des Alpes », protégé au niveau national mais connu sur seulement quatre sites dans la RN, et la discrète et gracieuse Joubarbe de Fauconnet (Sempervirum fauconnettii), une espèce endémique de la Haute chaîne, répertoriée sur deux sites !

Fiches-actions et protocoles

Chacune de ces plantes a fait l’objet d’une fiche-action la concernant spécifiquement (il y en a 94 dans le Plan de Gestion PG3 !  *) ainsi que de cinq fiches-actions communes aux 3 plantes. Sur chacune est établi un protocole précis, dégageant l’enjeu et l’objectif à long terme, les mesures retenues, l’estimation du temps d’intervention, les personnels concernés, un calendrier prévisionnel, les indicateurs attendus pour mesurer la réussite de l’opération, la priorité, les liens avec d’autres actions …

La fiche-action pour l’Orobanche de Bartling est répertoriée  « CS 11 », ce qui signifie qu’il s’agit de « connaissance et de suivi ». Il en est de même pour les deux autres plantes, respectivement « CS12 » et « CS13 ».  Les cinq fiches-actions communes aux trois plantes sont :

  • CS14 : prospections sur des sites potentiels,
  • MS5 (management et soutien) : accompagnement des alpagistes pour éviter le pâturage,
  • CS15 : surveillance de l’abroutissement  (= pâturage) par le bétail + faune sauvage,
  • SP2 (surveillance et police) : tournées de surveillance ciblées sur la cueillette,
  • PA1 (pédagogie et animation) : réalisation et mise en œuvre d’outils de communication.

Tout ceci donne un aperçu, loin d’être exhaustif, de la diversité des missions des agents de la Réserve naturelle, avec l’appui éventuel de ses partenaires.

Vous pouvez voir-ci dessous la fameuse fiche-action « CS 11 » , n’hésitez pas à la télécharger pour mieux la visualiser:

Des menaces

Ainsi, le suivi sera assuré en partenariat avec le Conservatoire Botanique National Alpin (CBNA). Les interventions doivent se faire tous les deux ans (années paires) sur la durée du Plan de Gestion 3, c’est-à-dire jusqu’en 2029, entre juin et août pour le travail de terrain. Les premiers résultats confirment la grande fluctuation interannuelle du nombre de plantes fleuries.

Outre les menaces d’un pâturage excessif (actuellement la plus immédiate) et de cueillette (pourtant interdite) ou de piétinement, un autre danger réside, sur le long terme, dans la fermeture des milieux favorables à la plante hôte, le Séséli du Liban, par l’envahissement des ligneux. Les changements climatiques actuels, dûment constatés, sont accélérés dans les montagnes et rendent ainsi la menace préoccupante.

Dracula a mal fini dans les Carpates, gageons que l’Orobanche de Bartling connaisse un meilleur sort sur la Haute Chaîne du Jura !

(*) : 94 fiches-actions, réparties en 8 domaines :

  • 41 connaissance et suivi,
  • 6 surveillance et police,
  • 5 intervention sur patrimoine naturel
  • 32 management et soutien,
  • 9 étude et ingénierie,
  • 2 création d’infrastructure d’accueil,
  • 6 pédagogie et animation,
  • 3 support de communication.

Sources documentaires :

Lexique :

HEPIA : Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève. Elle a été le principal intervenant, sous la houlette de Patrice Prunier, dans le projet d’Etude Reculet-Crêt de la neige.

CSRPN : Conseil scientifique régional  du patrimoine naturel. Il donne son avis/aval aux opérations importantes dans les milieux protégés, notamment ceux qui ont des mesures de protection forte comme les réserves naturelles.

CCRN : Comité consultatif de la Réserve naturelle. Il est l’instance de délibération de la RN, sachant que la décision appartient au préfet, représentant de l’Etat, via les arrêtés préfectoraux. Il comprend l’ensemble des acteurs de la Réserve naturelle (administrations territoriales et État, élus locaux, propriétaires, usagers, associations, scientifiques). Il se réunit deux fois par an. Il existe une formation restreinte du Comité consultatif, le Comité de suivi de travaux,  pouvant instruire des demandes de travaux ou manifestations de faible ampleur.

Cellule technique : C’est un groupe de travail qui conseille le conservateur de la RN pour la conception et la mise en œuvre du plan de gestion (PG). Il s’est ainsi réuni mensuellement, ces cinq dernières années, pour élaborer le PG3 et, au préalable, faire le bilan du PG2. Elle est composée du « premier cercle » des  partenaires de la Réserve naturelle : l’ONF(Office National des Forêts), le PNR du Haut-Jura, le Conseil Scientifique, les ARN et le pôle environnement de la Communauté d’agglomération du Pays de Gex (PGA).

Défis du changement climatique dans le pays de gex

Par Renée Depraz, membre des ARN et ancienne Présidente, membre de la Cellule technique de la Réserve Naturelle au titre des ARN.

Nous voici dos au mur. Notre Maison brûle et désormais notre pronostic vital se trouve engagé. Le GIEC nous donne moins de 30 ans pour redresser la barre.

Que de temps perdu. 30 ans déjà que nous foulons aux pieds nos engagements environnementaux internationaux d’intérêt majeur, ceux de la conférence de Rio en faveur du maintien de la biodiversité et ceux de Kyoto sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Une non action qui vient d’être sanctionnée par le Conseil d’Etat, le Gouvernement étant condamné à verser une astreinte de 10 millions d’Euros pour non-respect de la qualité de l’air.

En mars 2020 nous sommes entrés en guerre. Si l’urgence sanitaire est gérée par l’Etat, la gestion de l’urgence climatique elle, échoit par défaut aux élus de base. Or la Prospective qui est l’art d’imaginer le territoire à 30 ans est un exercice particulièrement difficile dans lequel bien peu d’élus excellent.

Les ARN qui sont très actifs au sein du Forum de l’Agglo transfrontalière se réjouissent que Pays de Gex Agglo ait enfin décidé d’occuper activement la place qui est la sienne dans les instances du Grand Genève. Voir l’interview de P. Dunand dans le Dauphiné Libéré du 03 août.

“Agglo: il fallait remettre tout le monde autour de la table” https://www.ledauphine.com/politique/2021/08/02/agglo-il-fallait-remettre-tout-le-monde-autour-de-la-table ).

En effet, relever les défis qui nous attendent ne peut se faire qu’au niveau de notre bassin de vie.  Une belle opportunité pour les Gessiens qui pourront gagner un temps précieux en profitant des travaux et réflexions déjà largement amorcés par Genève notre ville centre.

Quelles aires protéger dans notre région?

Par Manuela Arrot, Vice-Présidente des ARN

La stratégie nationale pour les aires protégées a été publiée en janvier 2021 et ambitionne de protéger 30 % du territoire dont 10 %  en protection renforcée d’ici à 2030. Les ARN ont participé à 2 réunions en visioconférence. Nous avons proposés quelques sites, conjointement avec l’Association pour la Connaissance de la Nature Jurassienne (ACNJ) , dont une tourbière d’une importance majeure, de la vallée de la Valserine : la tourbière du Niaizet à Lélex, Elle abrite la seule population de Cuivré de la Bistorte de l’Ain et de Rhône Alpes …

Cette espèce fait partie du PNA (Plan National d’Actions) Rhopalocères actuellement en cours. Ce site est de plus menacé par l’assèchement et l’invasion des résineux. C’est un milieu riche en botanique également. Quelques autres sites ont été également proposés.

Pour plus d’informations, vous pouvez télécharger le courrier adressé à la DDT de l’Ain :