Tous les articles par Gaelle Lauby

Soirée « Réseau Observateurs » organisée par la Réserve Naturelle

Le 11 octobre dernier, Daphné SCHLOESSER, Chargée de mission scientifique au sein de la Réserve Naturelle Nationale de la Haute Chaine du Jura (RN), a organisé une soirée de présentation des différents suivis effectués par la Réserve. Elle a convié à cette réunion différents partenaires et bénévoles dont les ARN. Ces derniers ont répondu présents en force, avec la venue de Manuela Arrot, présidente, Marjorie Lathuillière, secrétaire, et Patrick Joudrier, trésorier. Nos 2 vice-présidents, Michel Goudard et moi-même, ainsi que Michel Savoyat, référent et membre du CA, ont également fait le déplacement.

Le but de cette soirée était de nous présenter les différents suivis scientifiques effectués au sein de la Réserve, ainsi que de la façon dont nous pourrions y contribuer. Voici ci-dessous un résumé de la présentation très intéressante de Daphné, que je remercie au nom des ARN !

Les suivis faune

La RN effectue des recensements et une surveillance de plusieurs espèces emblématiques.

Les oiseaux

Concernant les oiseaux, on peut noter le suivi de 9 sites de nidification potentiels du Faucon pèlerin. Ce faucon, connu pour être l’oiseau le plus rapide du monde avec des vols piqués à plus de 300 km/h, habite en effet les falaises du Haut Jura.

Faucon pélerin. Crédit: Kytabu, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons

Autre oiseau remarquable, l’Aigle Royal, est suivi sur les 2 sites où 2 couples se reproduisent habituellement. Il fait notamment l’objet d’une journée de comptage à laquelle les référents des ARN sont conviés (voir ce précédent article pour plus d’informations).

Bien entendu, on ne peut parler de l’avifaune sans évoquer le Grand Tétras, cet oiseau dont l’avenir n’est pas rose dans le Jura. Daphné nous rappelle que son suivi très délicat ne peut être ouvert à des bénévoles. Elle nous rappelle aussi qu’un autre oiseau de la famille des tétraonidés, la fameuse et discrète Gélinotte des bois, habite également la RN mais ne fait pas pour l’instant l’objet d’un protocole de suivi spécifique.

Deux petites chouettes typiques de nos forêts de montagne, la Chevêchette d’Europe et la Chouette de Tengmalm, sont aussi régulièrement recensées (voir ce précédent article). Ces oiseaux, dont le moindre contact visuel ou auditif fait frissonner n’importe quel ornithologue, vivent discrètement au cœur de nos forêts et sont très difficiles à observer.

Enfin, toutes les données concernant autres espèces d’oiseaux, communs ou non, sont également récoltées au gré des diverses missions réalisées sur la RN.

Les mammifères

Du côté des mammifères, Nos 2 grands prédateurs emblématiques, le lynx et le loup, sont aussi suivis par piégeage photographique essentiellement. Pour plus d’informations sur le suivi du Lynx, vous pouvez consulter le précédent article de Patrick à ce sujet.

Lynx photographié par un piège lors d’une session de recensement.

Le suivi loup, lui, est effectué plus aléatoirement par divers pièges photographiques appartenant à la RN et à 4 bénévoles qui collaborent avec cette dernière. Le principe est d’avoir des pièges bien répartis sur l’ensemble de la RN, avec une densité limitée par secteur. En effet, les diverses observations laissent penser que les loups peuvent être dérangés par les caméras dont ils détectent la présence. Un arrêté préfectoral vient d’ailleurs d’être pris pour cadrer la pratique du piégeage photographique au sein de la réserve . Vous pouvez le télécharger ici:

Toujours du côté des mammifères, un inventaire des chiroptères à l’échelle de la Haute Chaine a débuté cette année, par la pose d’enregistreurs sur le secteur nord, sur la base du protocole national « AltiChiro ».

Reptiles et amphibiens

Cette année, un test à petite échelle du protocole national POPReptile a eu lieu pour réaliser un inventaire des reptiles de la RN. L’an prochain, le protocole sera probablement reconduit. Les données sur les amphibiens, elles, sont récoltées aléatoirement au gré des diverses missions effectuées sur le terrain par les membres de la RN.

Les insectes

Les insectes sont peu recensés. Certaines espèces font néanmoins l’objet d’une attention particulière, de par leur rareté et/ou leur facilité à être observées. C’est le cas de l’Apollon et de la Rosalie des Alpes. Un inventaire des bourdons a également été effectué cette année par un membre du Conseil Scientifique de la RN.

Apollon. Crédit: Michael Schroeren, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons

La Flore

Même si certaines espèces comme le loup, le lynx ou le grand tétras semblent être les espèces phares de la RN, il ne faut pas oublier que cette dernière a d’abord été créée pour la sauvegarde de sa flore remarquable ! Certaines plantes font ainsi l’objet d’un suivi. Il s’agit de la Joubarbe de Fauconnet, suivie par la RN, de l’Orobanche de Bartliing et du Chardon Bleu, ces 2 dernières étant suivies par le Conservatoire Botanique National Alpin.

Le Conseil Scientifique a défini une liste de 15 espèces de plantes pour lesquelles un inventaire et suivi seraient intéressants à effectuer. Un groupe Flore a également vu le jour, composé de membres du Conseil Scientifique et de bénévoles. Ce groupe a pour mission d’aider au suivi de plusieurs espèces végétales d’intérêt, au-delà de la liste évoquée précédemment.

Orobanche de Bartliing : Crédit photo: Réserve Naturelle de la Haute-Chaîne du Jura

Habitats et autres

Pour terminer, Daphné a présenté d’autres suivis. Tout d’abord, un suivi dendrométrique qui vise à mesurer l’évolution de la forêt par différents relevés effectués au cours des années sur 278 placettes d’étude. Deux habitats particulièrement froids et menacés par le réchauffement climatique, les éboulis froids et les combes à neige, font l’objet d’une surveillance particulière. Ensuite, un observatoire a été lancé, dont le principe est de réaliser des études qui serviront à mieux gérer la RN (bonne adéquation entre les activités humaines et les enjeux écologiques). Les études en cours concernent essentiellement les relations ongulés-habitats.

La RN participe également au programme Phénoclim, proposé par le CREA (Centre de Recherches sur les Ecosystèmes d’Altitude), et effectue également un inventaire des vertiges des activités humaines sur la Haute Chaine afin de protéger ce patrimoine historique.

Qui peut participer à ces suivis ?

Le personnel de la RN étant limité, de l’aide extérieure est la bienvenue pour participer à ces différents suivis. L’organisation de cette soirée a d’ailleurs mis en lumière la volonté croissante de la RN à approfondir les connaissances sur la Haute Chaine, au vu des différentes études lancées récemment. Nous avons pu également nous rendre compte de tout ce qu’il resterait à faire sur ce territoire particulièrement riche !

La RN ne cherche pas à inciter trop de monde à participer à ces suivis écologiques, mais préfère se référer à des personnes de confiance. Il est vrai que le territoire de la réserve est une zone fragile sur laquelle il ne faut pas divaguer sans limite. Il est aussi vrai que beaucoup d’études concernent des espèces sensibles, et que certaines informations ne doivent pas être divulguées sans contrôle. A ce propos, nous avons tous été conviés, lors de la soirée, à signer une charte nous engageant à respecter la règlementation de la réserve et à avoir un comportement responsable.

Néanmoins, il existe des outils permettant à chacun d’entre nous de collecter des données sur le territoire de la réserve. Le plus important est l’application « Naturalist ». Proposée par la LPO (Ligue pour la Protection des oiseaux), cette application permet d’entrer des données directement sur le terrain concernant non seulement les oiseaux mais également les autres groupes d’espèces faunistiques. La RN a récemment signé un partenariat avec la LPO pour un échange de données. De son côté, la RN utilise l’application GéoNature Occtax, qui fonctionne sur le même principe que Naturalist. Les données saisies sont automatiquement transmises à la RN.

La restitution des données : Atlas Biodiv’Haute Chaine du Jura

L’ensemble des données récoltées sur la faune et la flore peuvent être consultées en ligne sur le site de l’Atlas Biodiv’Haute Chaine du Jura. Ce formidable outil riche en informations a été développé par le Parc National des Ecrins. Il offre une restitution des données récoltées pour chaque espèce sous forme d’un maillage, et comprend de nombreuses observations historiques.

La soirée s’est terminée par un buffet canadien sur lequel je ne m’attarderai pas, au risque de faire des envieux. L’inventaire de tout ce que nous avions à boire et à manger nécessiterait la mise en place d’un protocole scientifique trop complexe !

Si vous avez des connaissances particulières (en écologie bien entendu, même si en cuisine c’est intéressant aussi…) et que vous souhaitez participer à des suivis avec la RN, je vous invite, dans un premier temps, à entrer en contact avec les ARN. Depuis toujours, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues !

Jean-Christophe Delattre

Loup, qui es-tu vraiment ?

Bonjour ! Vous, je vous connais, vous êtes le loup, celui du « Petit Chaperon rouge », les vêtements en moins…

Aaaah… votre « Grand méchant loup » imaginaire ! Il n’a pas grand-chose à voir avec nous mais cause à mon espèce, aujourd’hui encore, bien du tort. Les scientifiques qui nous étudient sérieusement n’ont que peu de poids face à ces contes populaires qui ont bercé votre enfance…

Nous vous donnons ici une occasion de rétablir quelques vérités. Alors pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?

Mon pelage est beige-gris avec une ligne noire très élégante, sur les pattes avant. Considérez que je ressemble à un berger allemand (et ce n’est pas pour rien… voir ci-dessous) avec une taille au garrot de 60-90 cm et un poids de maximum 30 kg pour les femelles et 40 kg pour les mâles. Bien loin des monstres de 80 kg que certain.es d’entre vous certifient avoir croisés…

C’est le grand Linné, en 1758, qui nous a donné le nom scientifique de Canis lupus. Parmi les Mammifères, vous nous avez classés dans l’ordre des Carnivores, famille des Canidés.

Nous sommes plusieurs sous-espèces de « loup » à travers la planète. Pour ma part, je suis membre de Canis lupus lupus. En français, vous nous avez nommés « Loup gris ». Parmi mes cousins proches, il y a le loup arctique (Canis lupus arctos) ou le loup des Indes (Canis lupus pallipes) mais aussi un que vous connaissez très bien : Canis lupus familiaris, j’ai nommé… le chien !

Vous n’êtes donc qu’une seule et même espèce avec notre chien domestique ?

Le chien ami de l’homme © Bridgeman Images

Et oui, le chien n’est rien d’autre qu’un loup que vous avez domestiqué pour vous rendre (de nombreux) services, il y a plus de 30 000 ans.

Revenons à vous : vous faites énormément parler de vous depuis quelques temps car vous êtes de retour en France. Est-ce vraiment un retour ?

Bien sûr ! Jusqu’à il y a environ un siècle, nous occupions tout le territoire français. Malgré les services que notre cousin chien vous rendait (ou peut-être justement parce que vous aviez ce que vous vouliez de nous…), vous avez développé une haine contre nous, nous transformant en coupable facile, allant jusqu’à nous accuser d’enlever vos enfants pour les dévorer alors que vous n’êtes pas du tout à notre goût…

A cause de toutes ces rumeurs contre nous et d’attaques, réelles, sur vos troupeaux, vous avez exterminé jusqu’au dernier loup de France. Heureusement, d’autres contrées ont été plus accueillantes et nous ont permis de nous maintenir en attendant des jours meilleurs.

Je précise que, contrairement à une rumeur persistante, nous n’avons pas été lâchés par des « écolos ». C’est bien par nos propres moyens que nous sommes revenus en France, depuis l’Italie, à la faveur de notre statut d’espèce protégée et grâce au développement des surfaces forestières.

La forêt est donc votre habitat ?

Oui, mais nous ne nous limitons pas aux espaces boisés. Nous sommes plutôt adaptables à ce niveau ; les scientifiques nous nomment « espèce euryèce ». En particulier, dans nos déplacements et notre recherche de nourriture, nous pouvons parcourir de grandes distances et les milieux ouverts ne nous font pas peur. Vous n’avez qu’à lire les livres et/ou visionner les films de Jean-Michel Bertrand pour vous en convaincre (La vallée des loups ; Marche avec les loups et en ce moment : Vivre avec les loups).

Pourquoi parcourez-vous de si grandes distances si vous avez de quoi vous nourrir à un endroit donné ?

Notre vie sociale est très complexe. Quand vous nous laissez un peu de répit, nous nous organisons en meute autour d’un couple dominant (les fameux mâle et femelle alpha) qui se reproduit, avec les jeunes de l’année et des années précédentes. Nos relations sociales sont régies par une hiérarchie stricte. Durant notre adolescence, nous prenons soin de nos jeunes frères et sœurs mais le moment venu, il nous faut quitter notre meute d’origine. Au cours de cette dispersion (qui assure un brassage génétique entre meutes), nous vivons une vie solitaire ou à quelques jeunes, le temps de trouver un nouveau territoire pour fonder notre propre meute ou en rejoignant une meute déjà formée, selon les situations.

Pendant longtemps, l’Ain a été un front de colonisation à partir des Alpes et du Jura, où nous sommes présent.es depuis 30 ans. Seul.es quelques-un.es d’entre nous étaient photographié.es par des pièges-photo (voire vus) chaque année. 2023 représente un tournant pour notre espèce, dans l’Ain. Nous avons été plusieurs à nous déplacer voire à nous installer dans votre département. En particulier, comme vous avez eu la bonne idée de mettre en Réserve les hauteurs de la Haute-Chaine du Jura, les protégeant ainsi de l’urbanisation et autres aménagements, nous y avons trouvé les conditions idéales pour l’installation d’une meute qui a donné naissance à deux louveteaux. Un événement qui ne peut que nous réjouir !

Cela ne s’est pas fait sans tension, notamment avec les attaques d’un troupeau à deux pas de la Réserve. Pourquoi vous attaquez-vous aux animaux domestiques ?

Pour nous nourrir ! En particulier lorsque nous sommes seul.es lors de notre dispersion car il est plus facile pour un loup seul de croquer un animal domestique que de courir après un chevreuil ou un chamois. Quant aux cerfs, notre proie de prédilection, ils ne nous sont accessibles que lorsque nous vivons en meute bien établie car nous pouvons alors réaliser des chasses collectives (une merveille de coopération et d’intelligence, cela dit en passant !). Bien sûr, nous sommes opportunistes donc nous nous adaptons à ce que nous trouvons, quitte à nous rabattre sur de plus petites proies.

Comment justifiez-vous les attaques de plusieurs animaux domestiques qui ne sont même pas consommés ?

Les scientifiques, qui nous ont bien observé.es, ont compris pourquoi nous perdons parfois toute raison écologique. En milieu naturel, quand nous attaquons un groupe d’herbivores, c’est la panique jusqu’à ce que notre proie soit capturée. Dommage pour elle mais pour les autres, l’alerte est finie et ils peuvent retrouver leur calme un peu plus loin. Les animaux domestiques qui sont clôturés continuent à s’agiter en tous sens et stimulent notre instinct stimulé par les proies en mouvement. Il y a alors ce que vous appelez un « surplus killing », comme pour le renard dans un poulailler…

Il arrive également que certain.es d’entre nous, dans leur apprentissage, s’entrainent à tuer alors qu’ils ont déjà été nourris grâce aux chasses collectives.

Enfin, il n’est pas exclu que certain.es d’entre nous se spécialisent dans l’attaque de troupeaux domestiques, par exemple un individu âgé et isolé.

Vous comprenez alors que les éleveurs et éleveuses demandent alors à tuer les loups qui attaquent.

De mon point de vue, vous comprendrez bien que ce n’est pas acceptable ! Mais même en me mettant à votre place, à moins d’avoir affaire à un loup spécialisé dans les animaux domestiques qui commet de multiples attaques, l’autorisation de tir est une fausse bonne idée. En particulier, vos scientifiques savent parfaitement que lorsque les services de l’État décident que nous pouvons être tué.es suite à une attaque (alors que nous sommes une espèce protégée !), le risque est surtout qu’une meute installée soit déstabilisée et que les individus se dispersent. Ce sont alors plusieurs individus qui bénéficiaient de la vie en groupe et qui se retrouvent à devoir se nourrir seul.es… avec donc plus de risques de se tourner vers les animaux domestiques.

Il est préférable de mettre en place des moyens de protection, comme le font déjà de nombreux éleveurs et éleveuses, pour nous dissuader en rendant les attaques sur troupeaux plus difficiles.

Quels sont ces moyens de protection ?

Il en existe plusieurs et ils sont indispensables pour obtenir une indemnisation en cas d’attaque. Pour se protéger, les éleveurs et éleveuses peuvent être aidé.es par les services de l’État ou des associations, comme l’APACEFS (Association des Protections Alternatives pour la Cohabitation de l’Elevage et de la Faune Sauvage), qui pose par exemple des pièges-photo afin de mieux comprendre le comportement du loup (ou du lynx) présent autour d’un élevage et ainsi proposer les moyens de protection les plus adaptés.

Un patou gardant le troupeau ©Emma.Martinet

Les troupeaux peuvent être protégés par des clôtures mais aussi par la présence d’un.e berger ou bergère. Les chiens de protection (« patous » et autres races), à ne pas confondre avec les chiens qui aident le berger ou la bergère à conduire le troupeau (ex. border-collie), savent se montrer dissuasifs si nous tentons d’attaquer un troupeau.

Ils sont tellement dissuasifs qu’il y a régulièrement des problèmes avec des randonneurs ou randonneuses et VTTistes.

Là encore, c’est surtout le manque d’informations qui pousse les humains à envoyer de mauvais signaux aux chiens de protection. Ils sont impressionnants car ils ont été sélectionnés (par vous !) pour cela mais ce ne sont pas des chiens d’attaque. Ils font leur travail (difficile car ils doivent prendre des décisions pour protéger leur troupeau seul, en l’absence d’humain) et cherchent juste à évaluer le danger, quand ils vous voient approcher. Quelques gestes simples suffisent à éviter les problèmes : voir l’article sur la formation proposée par FNE sur les chiens de protection.

Malgré les moyens de protection, il vous arrive tout de même d’attaquer des troupeaux, en particulier cette année.

Certes, les attaques ont été plus nombreuses cette année (18) et ont fait 43 victimes. Toutefois, rappelons que la déprédation par notre espèce ou par le lynx, autre grand prédateur, représente moins de 1 % de la mortalité des ovins et des caprins de l’Ain, contre 5 % à 12 % en raison de maladies ou d’accidents. Cela n’enlève rien au stress subi par les éleveurs et éleveuses dans ces situations mais vous n’êtes qu’une espèce parmi des millions, sur Terre, et il y a peut-être à tenter d’accepter ces attaques (sauf cas exceptionnel comme un.e des nôtres qui n’attaquerait que les troupeaux, peut-être…) comme vous acceptez les maladies et les accidents… ainsi que les conditions économiques qui rendent la vie très difficile aux éleveurs et éleveuses.

Y a-t-il d’autres raisons pour lesquelles nous devrions accepter votre retour ?

Les grands prédateurs que nous sommes sont un maillon indispensable dans un écosystème équilibré. Demandez aux forestiers et forestières : si les grands herbivores causent parfois des dégâts importants sur la végétation, c’est parce qu’ils ont tout loisir de se regrouper dans certaines zones car nous ne sommes pas là ! Quand le lynx ou le loup est présent, nous exerçons une pression de prédation qui pousse ces herbivores à se disperser.

Et je ne parle pas de notre rôle dans l’élimination des proies les plus faibles, la limitation de la propagation des maladies, etc.

Alors, vous pensez que nous pouvons cohabiter pacifiquement ?

Oui, j’y crois ! Et je ne suis pas le seul : nombre d’entre vous sont du même avis et œuvrent chaque jour en ce sens, notamment parmi les Ami.es de la Réserve et d’autres associations de protection de la Nature. La route est encore longue mais nous réussirons bien, un jour, à vivre ensemble. Vous êtes tou.tes concerné.es, directement ou indirectement, par vos choix de consommation pour soutenir les éleveurs et éleveuses ou encore par votre comportement lorsque vous rencontrez un troupeau protégé par des « patous »… Nous comptons sur vous !

Marjorie Lathuillière

PS: Et qu’en est-il chez nos voisins suisses? Cf la lettre ouverte rédigée par de nombreuses associations sur la décision de la Suisse de tuer 70% de sa population de loups.

Sortie géologie au col de la Faucille

Par Riwal Leeman, étudiant en géologie.

Le calcaire du Jura est sédimentaire
Tout d’abord, nous avons commencé par une introduction sur ce qu’est la géologie et ce que cette science étudie, et par une explication sur les différences entre les 3 grands types de roches: magmatiques, métamorphiques, et sédimentaires. Les roches de la Haute Chaîne, le chainon le plus oriental et le plus élevé du Jura, appartiennent à cette dernière catégorie. Le fameux calcaire que l’on trouve chez nous est une roche sédimentaire. Il s’est formé au Mésozoïque, et plus précisément au Kimméridgien pour les roches observées au col de la Faucille : elles ont donc plus de 150 millions d’années ! À titre comparatif, la chaîne du Jura n’a commencé à s’élever il y a seulement 11 millions d’années.

Un petit air de Caraïbes
Il existe donc différents types de calcaires, pouvant contenir des fragments de fossiles, ou encore des grains de silice. Ici le calcaire est récifal, il s’est formé à partir de récifs (comme la grande barrière de corail aujourd’hui) dans un climat chaud, dans des eaux oxygénées, agitées et peu profondes. L’endroit, très différent d’aujourd’hui, devait alors ressembler aux Caraïbes.  

Chronologie des Monts Jura
-Jurassique supérieur (155 Ma) : formation des calcaires composant les roches présentes à la Faucille
-Éocène (environ 40 Ma) : les Alpes ont déjà commencé à se former, et le Jura subit une première érosion karstique
-Serravalien (11 Ma-aujourd’hui) : plissement du Jura en avant des Alpes comme conséquence de celles-ci, et 2ème érosion karstique, encore à l’oeuvre aujourd’hui
-20 000 ans : fin de la dernière glaciation, qui marque fortement nos paysages (vallées en U, moraines, blocs erratiques, stries glaciaires sur les roches moutonnées…)

Les marques de l’eau sur le paysage
Le paysage, on le voit, est fortement marqué par le passage ancien des glaciers – qui n’est pas si ancien à l’échelle géologique puisque des humains étaient déjà présents en Europe depuis longtemps à ce moment-là. 

On observe également d’autres formes sur les Monts Jura, qui ne sont pas associées au passage des glaciers, mais plutôt à la lente (quelques mm par an) dissolution des calcaires du massif. Cela forme des gouffres, des dolines (dépressions arrondies), des lapiaz, des pertes (comme sur la Valserine), des fissures… L’eau est un facteur majeur d’évolution du relief des montagnes du Jura.

Observation sur le terrain
On a ensuite regardé des roches à l’oeil nu. 

On constate qu’elles sont plissées, ce qui témoigne de la formation du Jura, car en effet, à l’origine, lorsque le calcaire se forme en mer peu profonde, le fond de la mer est (en moyenne assez) plat ! On voit également des fragments de coquilles dans la roche, témoins d’organismes marins et donc d’un environnement de dépôt très différent. J’ai montré ensuite 3 fossiles trouvés dans le Jura, comme exemple des êtres vivants qui étaient présents sur ce lieu il y a des millions et des millions d’années. 

2 beaux cristaux de calcite sont également présents sur le site, en inclusion dans la roche.

Des patous et des promeneurs

Un chien de berger pas comme les autres

Attention patou”… ! Alors, on fait quoi ? Ben, on prend ses jambes à son cou, on n’a pas le choix!
Erreur, mon cher Watson !

Nous sommes le 23 juin à Bourg-en-Bresse. En tant que membre des ARN, je participe à une formation ALPATOUS (Alpes à tous, Alpes patous…) mise en place par les associations France Nature Environnement PACA et 01.
Le but recherché ? Comprendre et faciliter les relations en montagne entre les éleveurs, randonneurs et vététistes, avec les chiens de protection (les patous). Soutenue par l’Office Français de la Biodiversité, c’est l’Association des Protections Alternatives pour la Cohabitation de l’Elevage et de la Faune Sauvage (APACEFS) représentée par Taïeb et Maelle qui vont me former.

Qu’en est-il du loup ?

Depuis le retour du loup dans les Alpes françaises, ce grand prédateur fait parler de lui. Nous avons tous lu et entendu les histoires à faire peur des « Trois petits cochons » ou du « Petit Chaperon rouge »… Et aujourd’hui encore, le loup effraie ! Ce dernier du reste, « prélève » quelquefois son casse-croûte parmi le cheptel domestique…

Néanmoins, les grands prédateurs que sont le lynx et le loup jouent un rôle majeur:

  • Ils capturent en priorité les animaux les plus faibles
  • Ils limitent la propagation de maladies chez leurs proies
  • Ils permettent aux spécimens les plus forts de se reproduire
  • Sous leurs menaces les cerfs, chevreuils…vont se disperser et éviter la concentration sur certains secteurs permettant ainsi à la végétation de se régénérer et de devenir plus diversifiée.

Mais ce n’est pas simple car les conflits subsistent ! Du reste, pour les éleveurs, c’est vraiment stressant.

Le patou, un chien méchant ?

Alors nous randonneurs, on fait quoi s’il y a des patous ? …on reste chez soi pour garder nos mollets ?  Non, on s’informe. Les éleveurs font leur travail et l’APACEFS intervient, aide et informe les professionnels et les usagers. Sauf à rencontrer un chien mal éduqué, si on adopte les bons gestes vis-à-vis des patous, aucune raison que cela se passe mal.

Pour cela, il faut connaître un peu l’animal. Taïeb et Maelle nous livrent quelques infos. Le chien de protection vit avec le troupeau, qui est sa vraie famille. Il surveille, protège, son attachement est très fort. Pour cela, la dissuasion est son atout ; il n’est pas éduqué pour l’attaque.

Un patou gardant le troupeau ©Emma.Martinet

Le dressage d’un chien demande du temps et de l’investissement. Un chien travaille 6 à 7 ans et son éducation nécessite de 24 à 36 mois. C’est une des missions de l’Institut de l’Élevage (IDELE).

Quel comportement adopter ?

Maintenant les choses sérieuses commencent pour nous : les GESTES à adopter à pied ou en vélo.

A pied

En VTT

  • Éviter de traverser le troupeau, le contourner le plus possible.
  • Avertir les chiens de notre présence sans les surprendre: Si les chiens viennent vers vous, c’est pour vous identifier, s’arrêter. Ne pas marcher en direction des patous ni chercher à les caresser.
  • Ne pas paniquer ni crier, parler calmement. Bien sûr, pas de gestes brusques, ne pas brandir des bâtons, jeter des pierres ou parler de façon agressive.
  • Si possible, mettre un sac entre soi et le chien.
  • Descendre du vélo
  • Rassurer votre enfant en le gardant derrière vous
  • Bien sûr pas de jets de pierre, de paroles agressives
  • Ne pas regarder le chien dans les yeux (pas de « T’as d’beaux yeux, tu sais »…). Lorsqu’il détourne le regard, c’est qu’il est rassuré. Il va s’éloigner mais restez vigilant.
  • Remonter plus loin sur son vélo
  • Si vous avez un chien, le tenir en laisse, ne jamais le prendre dans ses bras, si problème, lâcher le chien et les laisser se débrouiller entre eux. Le mieux est d’éviter de prendre votre chien dans les pâturages fréquentés par des chiens de protection.
  • Et pour aller encore plus loin, il y a cette rencontre avec une bergère :

Visite chez un éleveur

Le lendemain, à la ferme « Les chèvres de M. Seguin », sur le plateau d’Hauteville, nous sommes accueillis par Amandine et Lucky, le border-collie .Cette ferme abrite 20 brebis, 70 chèvres, 5 vaches, 3 génisses et quelques cochons (un peu façon « Sylvain, Sylvette »… Vous êtes trop jeune pour avoir la référence ?! Voir https://www.youtube.com/watch?v=iVB2pGagu-E).

Les patous d’Amandine s’appellent Lasco, 8 ans, et Pepsy, le petit. Outre son activité avec 100 heures de travail par semaine, Amandine nous raconte qu’elle doit gérer, avec son compagnon, les plaintes de randonneurs non informés qui se plaignent des chiens de protection.

Maintenant, vous en savez un peu plus, et j’espère que votre regard sur les patous sera différent !

Michel Savoyat

Pour plus d’information sur le patou et la Haute Chaîne du Jura

La méthanisation

Dans un article précédent, je vous expliquai qu’il existe une voie naturelle de dégradation de la matière organique en absence d’air, dite anaérobique. D’où l’idée de mettre en œuvre industriellement la méthanisation pour valoriser et éliminer les déchets biologiques.

Car force est de constater que malgré tous nos efforts de réduction ou de recyclage des déchets, une fraction significative demeure, qu’il s’agit donc de valoriser et d’éliminer.
Les analyses démontrent qu’environ 1/3 de ce « gisement » correspond aux biodéchets et déchets verts, c’est-à-dire à des déchets d’origine végétale, animale ou microbienne ; résidus des cuisines des ménages, lavures de restaurants, invendus de magasins…
Ce qui représente une quantité considérable !

En considérant l’absurdité de brûler des déchets essentiellement humides, la filière Méthanisation trouve toute sa légitimité en complément du compostage qui vise les déchets plus secs. En effet :
• Elle réduit les volumes de déchets,
• Elle contribue à leur minéralisation, dans une perspective de retour à la terre (amendement),
• Elle génère du biogaz énergétiquement très intéressant.

De plus la méthanisation se prête bien aux synergies avec les filières de valorisation et d’élimination des déchets de l’agriculture et des industries agro-alimentaires.

Techniquement, elle va intégrer (voir l’illustration ci-dessous) :
• Un grand volume fermé étanche à l’air – un digesteur,
• Une filière de valorisation du « digestat » – ce qui reste après méthanisation, en fertilisant solide et liquide,
• Une valorisation du biogaz généré, sous forme de biométhane (substitut du gaz naturel), d’électricité ou de chaleur).

Source: chambres d’agriculture

Pour être vertueuse, et parfois elle ne l’est pas (!), elle impose drastiquement le meilleur état de pureté possible des déchets, se caractérisant notamment par l’absence absolue de métaux lourds et de micropolluants : la mise en œuvre passe impérativement par un tri à la source à l’exclusion de tout système visant à séparer en usine des fractions mélangées lors de la collecte !

Sinon ces polluants se retrouvent épandus sur les champs.

De plus la production induite de digestat doit être adaptée à l’environnement du site de l’unité ; car si la méthanisation minéralise, stabilise, en supprimant notamment les odeurs, elle génère quantité de fertilisant dont la valorisation responsable nécessite des surfaces et des techniques d’épandage raisonnées.

A ces conditions, la méthanisation en générant une énergie décarbonée contribue à la fois à la gestion des déchets et à la lutte contre l’émission des gaz à effet de serre.

Michel Goudard