En randonnant récemment sur la Haute Chaîne nous avons eu le bonheur d’apercevoir de nombreux chamois, paissant tranquillement à flanc de montagne ou escaladant les parois rocheuses avec agilité. Que savons-nous sur ce magnifique animal qui vit si près de chez nous ?
Comment se porte le chamois ?
En 2021, le comptage des chamois réalisé sur la Haute Chaîne du Jura a permis d’estimer la population de l’espèce à 712 individus (Source : rapport annuel 2021 de la Réserve) ; ce qui est plutôt stable – en légère augmentation par rapport à 2017 et au même niveau qu’en 2006. La population du Jura est estimée à 2300 individus environ. Après avoir frôlé la disparition dans notre pays dans les années 30 en raison de la chasse, des campagnes de renforcement et de réintroduction en France et en Suisse ont permis au chamois de revenir dans nos montagnes : on en compterait aujourd’hui environ 80’000 en France.
Espèce d’éterlou, va !
Le mâle et la femelle sont appelés bouc et chèvre, mais ils ont aussi d’autres noms plus jolis ! Pour avoir l’air savant, vous pouvez utiliser leur nom latin « rupicapra » (chèvre des rochers), désigner par « éterle » une chèvre de 1 à 2 ans et « éterlou » un bouc du même âge, ou utiliser le terme de « bréhaigne » pour la vieille chèvre qui ne peut plus avoir de chevreaux. Les femelles pèsent entre 20 à 35 kg, et les mâles de 30 à 45 kg. Pour distinguer le mâle de la femelle, on peut observer les cornes : l’angle formé par le crochet est plus ouvert chez les femelles que chez les mâles.
Un physique avantageux
Pas étonnant que le chamois nous émerveille par ses prouesses pour gravir des falaises abruptes, descendre des pierriers ou sauter des précipices ; il a un physique parfaitement adapté à ce genre d’activités ! Ainsi, il possède de puissants muscles et des os des pattes dont la forme lui donne une grande capacité de détente : il peut sauter sans effort une hauteur de 2 mètres (n’oublions pas qu’il mesure seulement environ 80 cm au garrot !) ou une largeur de 5 mètres.
Son cœur est proportionnellement beaucoup plus volumineux que celui des humains et son sang est plus riche en globules rouges, ce qui lui permet de mieux capter l’oxygène, plus rare en altitude. Pour ne pas glisser sur la neige, ses sabots sont constitués de 2 doigts de pied latéraux et d’une membrane qui agit un peu comme une raquette. Leur talon caoutchouteux est bien adhérent sur les rochers. Enfin, le chamois possède un pelage particulièrement chaud, organisé en couches : le duvet, près du corps, et les poils de jarre plus longs qui changent de couleur selon la saison : sombres l’hiver pour mieux capter la chaleur, plus clairs en été.
Tu m’horripiles !
Lors de la période du rut qui a lieu entre fin octobre et début décembre, les boucs se défient pour prendre la place de mâle dominant au sein d’une harde, dans des combats parfois mortels. Afin de paraitre plus intimidants à leur adversaire, ils dressent les poils de la crinière noire qui va de la nuque à leur queue grâce à leur muscle horripilateur. Les mâles peuvent se poursuivre sur plusieurs kilomètres.
Pouponnières bien organisées
Les femelles peuvent se reproduire à partir de l’âge de 3 ans environ et mettent bas à un chevreau par année au printemps, qui reste avec elles pendant une année. La mère s’isole pour mettre bas dans un environnement inaccessible et protégé. Une heure à peine après la naissance, le chevreau tient debout, et après une à deux semaines le binôme mère-chevreau rejoint la harde, un groupe matriarcal relativement sédentaires. Les mâles sont solitaires et ne restent avec les femelles que pendant la période du rut ; pour protéger les petits des prédateurs la harde est bien organisée. Une sentinelle donne l’alerte par un cri en cas de danger.
Où peut-on trouver des chamois ?
En France, les populations de chamois les plus importantes se trouvent dans les Alpes, le Jura, les Vosges, le Massif Central. Le chamois est présent de 50m à 3700m en France et dans des massifs n’atteignant pas les 1800 : Vosges & Jura par exemple. Les sommets de la Haute Chaîne sont donc un bon habitat pour lui. En été, dans les Alpes, il monte au-delà de 3000m, et en hiver il descend plus bas, parfois même jusqu’en plaine. Certaines populations sont devenues forestières ; on en trouve même jusque dans le Cher.
Quels sont les dangers pour l’espèce ?
L’espèce n’est globalement pas menacée ; son statut est « préoccupation mineure » dans la liste rouge des espèces de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
Près d’un jeune sur 2 n’atteindra pas l’âge d’un an ; les taux de survie sont de l’ordre de 50 à 70 % entre 0 et 1 an, puis atteignent 90% chez les femelles adultes, un peu moins chez les mâles. La longévité est environ de 7 ans en montagne, et peut atteindre 25 ans maximum.
Les accidents sont la première cause de mortalité chez le chamois, notamment les glissades, décrochages, ou chutes liées aux avalanches.
Les dérangements liés à l’activité humaine peuvent conduire les animaux à dépenser pour s’enfuir une énergie précieuse nécessaire pour leur survie en particulier l’hiver : c’est pour éviter cela notamment que les Zones de quiétude de la faune sauvage ont été mises en place dans la Réserve naturelle. Dans ces zones, il est interdit de sortir des sentiers spécialement balisés du 15 décembre au 30 juin.
Le chamois est également victime de certaines maladies infectieuses, comme la kérato-conjonctivite ou la brucellose. Certaines peuvent lui être transmises par le bétail, comme la brucellose ovine.
Ajoutons que le chamois est une espèce chassable, y compris dans la Réserve : le décret de création de la Réserve naturelle autorise la chasse sur 90% de son territoire (10% est classé en Réserve de chasse). Le nombre de chamois qui peuvent être « prélevés » par la chasse est fixé par un arrêté de la Direction départementale des territoires : pour le Pays de Gex, les chasseurs peuvent tirer entre 41 (minimum) et 90 (maximum) chamois pendant la saison de chasse 2022/2023. Le Schéma Départemental de Gestion Cynégétique http://www.fdcain.com/Actualites/PROJET-S.D.G.C.-2018-2024.html réalisé par la Fédération Départementale des Chasseurs de l’Ain indique les objectifs pour cette espèce.
Enfin, le chamois a bien entendu des prédateurs naturels : l’aigle qui emporte un chevreau peu après sa naissance, ainsi que le loup et surtout le lynx qui s’attaquent aux adultes et jeunes faibles ou isolés.
Gaëlle Lauby Cuillerot (Photos de Patrick Joudrier)
Sources :
Magazine la Salamandre N° 261
Livre « la grande faune de montagne » de Michel Catusse
Merci à Guillaume Cadier pour la relecture de l’article.