Nous savons tous que la Haute-chaîne est fortement dépendante du bon fonctionnement de ses territoires périphériques. Le marais de l’Etournel étant l’une des pièces majeures de ce puzzle, les Amis de la Réserve se sont très tôt intéressés à son devenir.
Un site remarquable à la gestion complexe
Le site de l’Etournel est remarquable : couloir d’intérêt européen pour les migrations des oiseaux, corridor écologique transfrontalier, réserve de chasse, arrêté de biotope, Natura 2000, Espace Naturel Sensible. Sa gestion en est particulièrement complexe. La prouesse a été de mettre en place sous la houlette du Parc naturel régional du Haut-Jura, animateur Natura 2000, un Comité de Site (COPIL Natura 2000 et Comité de Site ENS) réunissant tous les acteurs concernés. Et ils sont nombreux. Avec un interlocuteur incontournable, la Compagnie nationale du Rhône (concessionnaire du Rhône pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial, les usages agricoles, et propriétaire d’une grande partie du site de l’Etournel) dont le barrage de Génissiat régule -et oui- l’alimentation hydrique du marais.
Bien que ne figurant pas à l’arrêté de création de ce comité de pilotage, les ARN sont cependant associés aux réflexions en tant qu’association fédérée à FNE Ain. C’est à ce titre que Lynne Hopkins avait initié le projet des Amis de l’Etournel, qui n’a finalement pas vu le jour.
Si nous avons été contraints d’annuler notre sortie de décembre à l’Etournel en raison de conditions météo exécrables, bien d’autres turbulences planent sur ce territoire d’exception.
La réunion du Comité de Site qui s’est tenue à Pougny le 16 novembre2021 a été particulièrement houleuse et éprouvante.
Plusieurs projets « sensibles » étaient inscrits à l’ordre du jour, dont :
Le projet communautaire de la Régie des eaux gessiennes de pompage à Pougny. Sachant qu’il y a un assèchement des zones humides depuis 2011 sur le site, le projet s’oriente vers une recommandation de 9000 m3 sur des pointes (45 jours par an) et 6000 m3 en moyenne sur l’année. Le pompage des 12000 m3 envisagé à l’origine est abandonné car il impacterait durablement le site. Des études plus fines sont encore en cours, mais la décision n’est-elle pas déjà prise ?
Le projet d’arrêté préfectoral concernant la régulation à tir du sanglier sur l’emprise des réserves du site de l’Etournel :
Rappelons tout d’abord que la gestion du sanglier était prévue dans l’arrêté inter préfectoral de protection de biotope et jusqu’ici confiée au lieutenant de louveterie lequel organisait des battues administratives trois fois dans la saison. Pas suffisant apparemment pour certains …
Suite aux « dommages importants » occasionnés par le sanglier sur les activités agricoles, la flore et la faune sauvage, un nouvel arrêté a été proposé, précisant
– la gouvernance, désormais confiée à 2 référents des fédérations de chasse de l’Ain et de la Haute-Savoie.
– le protocole d’intervention. Tirs possibles dès l’ouverture de la chasse jusqu’à sa fermeture au 15 mars 2022. Tous les jours de la semaine, sauf le mardi et le mercredi et « autant que de besoin » dans la limite de 7 interventions. Maximum de 40 chasseurs dont 20 tireurs. Les chiens peuvent être utilisés …
– un compte rendu-bilan devant être fourni en fin de saison.
Un arrêté inter préfectoral (signé le 22 décembre 2021, cadeau de Noël aux fédérations de chasse!) qui de facto autorise la chasse -avec chiens- dans un espace dit protégé, reconnu d’intérêt majeur pour l’hivernage notamment des oiseaux d’eau.
D’autant plus scandaleux que le protocole d’intervention des fédérations de chasse âprement discuté en séance a été modifié en douce et que nous apprenons qu’une battue s’est tenue le vendredi 7 janvier 2022, un jour réputé de non chasse dans l’Ain, selon le schéma départemental de gestion cynégétique en vigueur.
Et que dire du comportement d’agriculteurs faisant vrombir 4×4 et tracteurs sous les fenêtres de la Mairie pour accentuer la pression sur les participants, alors que leur représentant au Comité de pilotage se montrait de plus en plus virulent, menaçant par exemple de bloquer le rond-point du Cern s’il n’obtenait pas satisfaction ?
Et que dire du comportement des élus gessiens et départementaux qui se sont empressés de quitter la réunion alors que le sujet central de la gestion du site allait être abordé ?
Cerise sur le gâteau en fin de réunion soit vers 18 h, le groupe d’activistes a bloqué la sortie des quelques écolos présents, sous le regard « amusé » de la maréchaussée et de certains membres du Comité de pilotage. Une prise d’otages de quelques 30 mn dont la presse locale s’est bien gardée de faire sa Une.
Inadmissible mais bien dans l’air du temps !
Réchauffement climatique, station de pompage, espèces invasives, retour de la chasse, forte fréquentation… Sale temps donc pour l’Etournel.